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Vivaldi & Venise - La fin des années 1730 : "L'Olimpiade", "Montezuma" et "Rosmira Fedele" : Vivaldi contre les Napolitains
Si les ouvrages lyriques composés jusqu'à " Farnace" (1727) montrent une relative influence napolitaine, ceux de la décennie 1730 démontrent clairement une assimilation du style des Napolitains par Vivaldi. Le musicien qui n'a jamais perdu son énergie combative pour que soient créés et célébrés à leur juste valeur, chacun de ses opéras, a mené après "Farnace", de nombreux voyages. En 1729 et 1730, il est à Vienne puis à Prague où il assiste à la création de son "Argippo" au théâtre Sporck. En 1731, il fait représenter "Sémiramide" à Parme, puis la "Fida Ninfa" en 1732 qui inaugure le nouveau théâtre Philharmonique de Vérone, dans des décors de Bibiena.
Après 1727, il fait un retour capital à Venise en 1733. Jusqu'à la fin des années 1730, il n'aura de cesse de défendre sa conception du théâtre musical contre l'invasion des auteurs et chanteurs napolitains alors dominants. Les cartes sont pourtant jouées d'avance. Fils d'un barbier-violoniste, il ne pourra jamais bénéficier des faveurs de l'élite patricienne, celle qui comptent les Grimani, princes propriétaires des théâtres de premier ordre à Venise, le San Cassiano et le San Giovanni Grisostomo. Les deux établissements sont les temples vénitiens de l'art napolitain. C'est là que sont créées les œuvres maîtresses du style galant à la mode, sacrifiant au délire des acrobaties vocales où brillent les étoiles de l'heure, les virtuosi : castrats foudroyants et prime donne napolitaines. Avant de rejoindre la Cour Madrilène de Philippe V, Farinelli connaît alors ses heures glorieuses sous les voûtes des théâtres vénitiens.
Les rivaux de Vivaldi sont nombreux et "indiscutables" du moins très protégés : le compositeur saxon Hasse et son épouse l'étoile Faustina Bordoni, les incontournables "castrats" à la mode, et non des moindres : Farinelli donc, Caffarelli mais aussi Appianino ainsi que le Ténor Francesco Tolve. Tous chanteurs que Vivaldi ne pourra pas s'offrir au sein du San Angelo, théâtre de deuxième classe. Pour répondre aux salves lancées depuis les théâtres Grimani, Vivaldi fait son grand retour en 1733. Paraissent alors "Montezuma" et "L'Olimpiade" qui met en musique un livret du poète à la mode, Métastase, preuve que Vivaldi sait renouveler son inspiration à la faveur du goût dominant. Suivront, "Griselda" donnée au théâtre San Samuele, puis les derniers ouvrages de la maturité, "Catone in Utica" de 1737 et "Rosmira fedele" de 1738. Vivaldi échafaude une stratégie personnelle qui tient à une série d'ouvrages accomplis.
1738 - "Rosmira Fedele"
Créée lors des fêtes du Carnaval, en janvier 1738 au teatro San Angelo de Venise, "Rosmira" confirme l'évolution stylistique du musicien alors âgé de soixante ans. Le livret original est celui de Partenope du célèbre poète, Silvio Stampiglia. C'est un drame pseudo-historique, déjà mis en musique par Haendel. Le sujet célèbre Naples, indication symbolique qui montre comment Vivaldi comme tous ses contemporains dut se soumettre aux règles du goût de son époque. Au moment ou s'affrontent les trois prétendants de Partenope, reine de Naples, la princesse de Chypre, Rosmira, fiancée délaissée de l'un d'entre eux, s'introduit à la cour pour se venger de son infidèle soupirant.
Les airs da capo témoignent d'un Vivaldi conciliant à l'égard de l'écriture napolitaine mais les assauts de l'orchestre et cette sensibilité singulière aux colorations instrumentales détachent Vivaldi de ses contemporains : il cite toujours le conquérant génial des nouveaux climats poétiques inscrits dans "Les Quatre Saisons". Rosmira témoigne de l'ultime activité du compositeur à Venise, avant qu'il ne parte de la Cità pour n'y jamais revenir.
Ce départ marque-t-il en définitive un aveu d'échec ? Quoiqu'il en soit, une carrière semble se profiler hors de la lagune. Il est à Vienne en mai 1740. L'infatigable sexagénaire espère obtenir enfin la gloire tant espérée, le confort et la pension d'une carrière férocement défendue. Le vénérable Empereur Charles VI et plus encore son successeur, François de Lorraine-Toscane lui témoignent aussitôt leur faveur. Hélas le sort en avait décidé autrement et la fin du "Prete Rosso" se révèle à la mesure de son écriture : fulgurante. Occupé dans une guerre de succession, le Protecteur disparaît et Vivaldi s'éteint l'année suivante, le 28 juillet 1741, dans l'indifférence générale, à l'exception de l'un des choristes accompagnant la dépouille au cimetière, le jeune Haydn.
Alexandre Pham
Photo : David Tonnelier
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