C’est la plus belle Ellen Orford que l’on ait entendue, mais elle ose aussi donner toute son humanité à la Marie de Wozzeck. Son Ariadne lumineuse, débarrassée des fards de la diva, a enchanté Paris, l’Elisabeth de Tannhäuser a montré à la fois la limite de son instrument et l’art suprême qu’elle met à son chant, bref Solveig Kringelborn est une des sopranos lyriques les plus accomplies de sa génération.

Si l’opéra occupe la part majeure de son agenda, elle n’a jamais délaissé la mélodie. Longtemps elle défendit les Chantefleurs et Chantefables de Lutoslawski, mais c’est d’abord au corpus vocal de Grieg qu’elle voue une dévotion toute particulière. Le disque a illustré ce remarquable réseau d’affinités électives qui relie Solveig Kringelborn à l’auteur de Peer Gynt (1), mais c’est au concert qu’il faut absolument l’entendre : la vie intérieure qu’elle met à Haugtussa, cycle majeur du norvégien, la délicatesse poétique qu’elle ose dans les mélodies sur des poèmes de Vinje, on ne les avait plus entendues depuis les récitals légendaires qu’Elisabeth Södertröm avait consacrés à ce compositeur durant les années soixante-dix.

Les Strasbourgeois auront donc bien de la chance de pouvoir assister à ce récital qu’on aimerait aussi avoir à Paris (que fait l’Athénée ?) : Grieg en sera le centre, des mélodies du plus méconnu Halfdan Kjerufl venant renforcer la cohérence de l’ensemble, alors qu’un splendide bouquet de Strauss (et par forcément des plus courus) rappellera que cette grande diseuse sait aussi éveiller la sensualité extatique de son instrument. Gageons que le piano élégant et coloré de Malcolm Martineau lui sera un guide parfait.

Jean-Charles Hoffelé

1) Album Grieg publié par le label NMA (réf. NMA3)

Récital de Solveig Kringelborn
Strasbourg
Opéra National du Rhin
30 avril 2010 – 20h

> www.operanationaldurhin.eu

> Les autres articles de Jean-Charles Hoffelé

> Vous souhaitez réagir à l’auteur de cet article ?

Photo : DR