Journal
Werther à l’Opéra Théâtre de Saint-Etienne - Un souffle nouveau - Compte-rendu
Enfant du pays, Jules Massenet a toujours été choyé par l’Opéra Théâtre de Saint-Etienne ; cette nouvelle production de Werther ne déroge pas à la règle. Le metteur en scène stéphanois Laurent Fréchuret a placé l’opéra dans un contexte actuel, avec le concours de Rudy Sabounghi, auteur de superbes décors, Claire Risterucci (costumes) et Laurent Castaingt dont on apprécie les lumières savamment dosées. Les souffrances du jeune Werther sont traitées par le biais d’une fine étude psychologique des personnages principaux qui évoluent au sein d’une communauté villageoise. Fil conducteur, une superbe forêt se transformant au gré des saisons entretient un climat romantique empreint de poésie et de panthéisme.
Abdellah Lasri (qui a assuré la dernière de Werther cette saison à l’Opéra Bastille) incarne avec ferveur le rôle-titre et sait transmettre tous ses états d’âme, son frémissement maladif, avec un sens accompli du théâtre. Chant franc, épanoui, large et profond, diction exemplaire, il donne beaucoup de crédibilité à ce Werther au caractère dépressif et suicidaire. La Charlotte de Marie Kalinine éclate de sincérité (superbe monologue du 3ème acte). Feu follet, étrangère au drame qui se noue, la juvénile Sophie de Magali Arnault Stanczak séduit, bien que sa prononciation ne soit pas toujours parfaite. Un peu approximatif au 1er acte, Damiano Salerno (Albert) prend ensuite la réelle dimension d’un personnage dont il accuse le caractère jaloux et cruel. Les seconds rôles sont tenus avec naturel, aussi bien par Frédéric Goncalves, Bailli très convaincant, que par Christian Tréguier (Johann) ou Eric Vignau (Schmidt). La foule des enfants sans cesse en mouvement procure une sensation de joie de vivre et de bonheur dans cet univers morbide.
Baguette expressive, Laurent Campellone dirige l’Orchestre Symphonique Saint-Etienne Loire avec une passion et un sentiment d’urgence qu’il transmet tant aux musiciens qu’au plateau. Fin connaisseur de ce répertoire, il en saisit toute l’émotion avec un art consommé de la demi-teinte ou de l’exacerbation des sentiments. Servi par des chanteurs qui vivent de l’intérieur leurs émois, il donne du chef-d’œuvre de Massenet une vision à la fois rayonnante et rafraîchissante. Ce spectacle, d’une perpétuelle inventivité, apporte un souffle nouveau. Une fois encore, l’Opéra Théâtre de Saint-Etienne a réussi son pari.
Michel Le Naour
Massenet : Werther - Saint-Etienne, Opéra Théâtre, 21 mars, prochaine représentation mardi 25 mars 2014.
www.operatheatredesaintetienne.fr/otse
Photo @ Charly Jurine
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