Les mélomanes alsaciens pourront nous reprocher d’enfoncer une porte grande ouverte. Non sans raison mais, puisque cela ne se sait pas toujours assez ailleurs, il faut dire et redire combien, depuis soixante quatre ans, l’AJAM (les Amis des Jeunes Artistes Musiciens) effectue un admirable et irremplaçable travail en faveur des nouveaux interprètes. C’est en 1960 en effet que le musicologue Marc Honegger (1926-2003) et Daniel Bott (premier président de l’AJAM, jusqu’en 1967) ont lancé une association destinée à faire connaître des musiciens à l’orée de la carrière en leur organisant des tournées (entre cinq et huit dates), à Strasbourg aussi bien que dans des cités de la région. Et ce avec un sacré flair puisque des artistes tels que Brigitte Engerer, Marielle Nordmann, Anne Queffélec, Claire Désert, Alexandre Tharaud, le Quatuor Debussy ou, bien plus près de nous, Célia Oneto-Bensaid, Shuichi Okada, Jonathan Fournel, le Trio Arnold, le Geister Duo, Jean-Baptiste Doulcet, Clément Lefebvre, Marie Perbost et bien d’autres ont été invités à leurs débuts.
 
Les années passent et l’AJAM, aujourd’hui présidée par Guillaume Sébastien, entouré d’une équipe de bénévoles enthousiastes, poursuit son œuvre, malgré les difficultés financières qu’elle rencontre, comme bien d’autres structures associatives et culturelles – qui pourraient pourtant souvent donner des leçons de curiosité, d’audace et de perspicacité programmatique à pas mal d’institutions multi-subventionnées ...
Il lui a fallu réduire un peu la voilure pour la saison 2024-2025 et passer de cinq à quatre séries de concerts. Aucun changement toutefois pour ce qui touche à l’accessibilité de la manifestation, gratuite pour les moins de 18 ans et à un tarif maximal de 15 € pour un concert individuel ; 40 € pour l’abonnement annuel de quatre concerts. Aucune concession non plus quant au niveau artistique : de merveilleux moments se profilent dans les semaines et les mois à venir pour les amateurs de piano et de musique de chambre ...
 
C’est avec Yiheng Wang (né en 1996), pianiste d’origine chinoise, très tôt installé et formé au Japon, puis en France (il a été élève d’Emmanuel Strosser au CNSMDP) que s’ouvre la saison AJAM, du 10 au 20 octobre. Prix de la Jeune Critique au Concours Clara Haskil 2021, déjà habitué de la scène (on l’a entendu à La Folle Journée, La Roque d’Anthéron, au Festival Européen Jeunes Talents, etc.), il est présentement en résidence à la Chapelle Musicale Reine Elisabeth où il se perfectionne depuis l’an dernier auprès de Frank Braley et Avedis Kouyoumdjian.
Il se présente au public alsacien dans un programme propre mettre en lumière le talent d’un artiste curieux dont le répertoire va du baroque (Yiheng Wang pratique aussi le clavecin et le pianoforte) à la musique d’aujourd’hui. De Bach (le Contrapunctus 9 de L’Art de la Fugue) à Stravinski (Trois Mouvements de Petrouchka) en passant par Chopin (Etude op. 25/4), Haydn (Sonate n° 31), Babajanyan (Six Pictures), Prokofiev (Sonate n°3) et Fauré (13e Nocturne), son récital s’annonce aussi varié qu’excitant (et différent de celui qui avait initialement été annoncé). Six dates sont programmées sur octobre : Altkirch (10), Mulhouse (11), Saverne (15), Colmar (16), Strasbourg (18) et Sainte-Marie-aux-Mines (20).

Quant à la suite de la saison, elle permettra de découvrir le jeune duo piano-violon Sylvain Hotellier et Benjamin Ettouati dans un programme franco-belge (cinq dates du 19 au 24 novembre), puis d’entendre la violoncelliste Stéphanie Huang associée au pianiste Keigo Mukawa (Janáček, Chopin, Debussy, Martinu, Poulenc ; cinq dates du 4 au 9 février) et enfin un ensemble, certes jeune mais que l’on peut déjà ranger parmi les grandes formations chambristes françaises : le Trio Zarathoustra (Chostakovitch, Schumann, Mendelssohn ; huit dates du 16 au 25 mars). 
 
Alain Cochard