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Zaïde de Mozart à l’Opéra de Rennes – Faut-il marivauder Wolfgang ? – Compte-rendu
© Laurent Guizard
Quant au texte perdu, on pourrait s’étonner que, malgré la liberté dont jouissait l’équipe artistique, le choix ait été fait de remplacer l’exotisme orientaliste aujourd’hui passé de mode par une forme de dépaysement tout aussi ancrée dans le XVIIIe siècle, voire plus ancienne. Si l’esprit de l’île, créature à la peau bleue qui semble n’avoir plus rien à dire après l’introduction, évoque la Sycorax de Shakespeare (étonnante Marief Guittier), ces trois nourrissons naufragés et ayant grandi loin de la civilisation renvoient à La Dispute de Marivaux, et donc à un imaginaire assez éloigné du nôtre. Surtout, fallait-il s’encombrer d’une île déserte, et d’un décor de carton-pâte aussi massif, où des bouteilles en plastique ne dénoncent pas la pollution des océans mais, nous apprend le programme, « représentent l’écume qui vient s’échouer au pied des rochers » ? Fallait-il affubler les interprètes de tenues de bons sauvages, entre Rahan et le dernier des Mohicans ? Quant au texte en français, coécrit par la metteuse en scène et l’autrice Alison Cossaud, il est en soi un problème dans une distribution aux trois quarts non francophone. Quitte à imaginer un conte philosophique, peut-être aurait-il fallu en imaginer un qui soit à la fois plus international, pour laisser chacun s’exprimer dans un idiome plus familier, et plus proche d’une moderne dystopie à la Margaret Atwood que d’une fable voltairienne.
© Laurent Guizard
Dirigé par Nicolas Simon, l’Orchestre national de Bretagne nous rappelle qu’un an avant Idomeneo, Mozart était déjà un compositeur plus qu’aguerri, libéré du modèle de l’opera seria auquel il avait sacrifié plusieurs années auparavant. Même si Zaïde est parfois confié à des élèves d’opéra-studio, en tant qu’œuvre courte, à quatre personnages seulement, la partition n’en est pas moins exigeante. En Allazim, Niall Andersson est celui qui a le moins à chanter ; le baryton-basse écossais, passé par l’Académie de l’Opéra de Paris, est aussi celui qui paraît le moins à l’aise dans les dialogues parlés. L’Américain Mark Van Arsdale, installé en France depuis plus longtemps, a eu une bien plus grande maîtrise de notre langue, et s’investit dans son personnage de « méchant » avec une fougue assez impressionnante, et avec des aigus claironnants du plus bel effet. Egalement ténor, Kaëlig Boché s’impose par l’ardeur et la conviction de ses accents, et se montre très crédible en marin échoué sur cette île peuplée de trois humains. Confrontée en début de spectacle à l’air le plus attendu, Kseniia Proshina ravit par un timbre à la fois juvénile et charnu, avec une qualité d’émission qui la qualifie parfaitement pour les rôles mozartiens où l’on espère qu’elle sera employée à l’avenir.
Laurent Bury
les 26, 28 février et 2, 3 & 5 mars à Nantes, les 15 et 16 mars à Quimper, les 24 & 25 mars 2023 à Besançon
Photo © Laurent Guizard
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