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37e Festival International de piano de La Roque d’Anthéron – Confrontation de générations – Compte rendu
Pour sa 37e édition, le Festival de La Roque d’Anthéron a attiré comme à l’accoutumée des artistes de la jeune génération et des valeurs sûres du clavier.
Le Québécois Charles Richard-Hamelin, depuis son Deuxième Prix en 2015 au Concours Chopin de Varsovie a affirmé sa personnalité ; un style fait d’intériorité et de densité. On s’en rend compte dès le début de son récital dans la Fantaisie en ré mineur de Mozart, d’une réelle intensité. Les Quatre Impromptus de Chopin sont magnifiés par un toucher équilibré qui sait imprimer pleins et déliés et déployer toute une gamme de couleurs, alors que son interprétation de Sonate n° 1 de Schumann hésite à se projeter dans les humeurs et les emportements, se souciant plus de la clarté polyphonique.
Arcadi Volodos © DR
Arcadi Volodos, dans les deux dernières Sonates de Schubert, D. 959 et D. 960, atteint une dimension cosmique. Son art quintessencié, d’un suprême raffinement, tient du rêve éveillé ; à la manière de Richter jadis, attentif aux célestes longueurs, il révèle à son tour des abîmes de profondeur d’une perfection à couper le souffle. Un voyage à travers le temps dont on ne sort pas indemne et qui laisse le public longtemps en état de choc.
Le jeune Guillaume Bellom propose un récital sans faute de style mais sans engagement. Les Kreisleriana de Schumann demeurent à la surface des notes et manquent de fantaisie comme si l’interprète ne voulait pas prendre de risques. Les Trois Romances sans paroles op. 17 de Fauré retrouvent une fluidité harmonique et les chatoiements sonores qui manquaient jusqu’alors. Dans le Quatrième Scherzo et la Quatrième Ballade de Chopin, le soliste impose un tempo strict, mais seule la coda de l’Opus 52 échappe, par son implication, à un traitement univoque. Pourtant, les qualités techniques dont l’interprète fait preuve laissent espérer des jours meilleurs et des prestations moins tétanisées par l’enjeu.
Pianiste complet, Lukas Geniušas (photo) montre une maîtrise stupéfiante dans le rare Concerto n° 2 de Tchaïkovski qui fait la part belle dans le mouvement lent au violon et au violoncelle solistes de l’Orchestre National de Lettonie aux sonorités profondes. L’accompagnement précis d’Andris Poga ne peut toutefois atténuer la charge des cuivres - qui ne donnent pas dans la nuance ... L’interprétation de la Symphonie n° 8 de Dvorak, pourtant intelligemment conçue, en pâtit quelque peu.
Lucas Debargue © Felix Broede
Avec la même formation le lendemain, le médiatique Lucas Debargue a les épaules solides, des doigts arachnéens et l’imagination sans cesse en éveil dans le célèbre Concerto n° 1 du même Tchaïkovski. Fébrile, sa conception libre de ton oscille entre fermeté et légèreté de touche. Très impliqués dans le concerto, Andris Poga et ses musiciens sont desservis en seconde partie par l’acoustique de la conque dans une exécution très solide et puissante du Manfred de Tchaïkovski - une œuvre disparate dont le compositeur s’avouait d’ailleurs insatisfait.
Abdel Rahman El Bacha © Alix Laveau
Avec Abdel Rahman El Bacha, un familier de La Roque entre sur scène avec la sérénité qu’on lui connaît. Les larges extraits des Goyescas de Granados qu’il a inscrits à son programme témoignent de son investissement dans des pièces qui nécessitent sens rythmique et poésie. Il parvient sans cesse à captiver, tant par la subtilité picturale, l’intimisme, que par la richesse de la narration et un contrôle exceptionnel du son sur un Bechstein au timbre mordoré. Assumant sans ciller les difficultés techniques redoutables glissées par Granados, El Bacha atteint l’épure (Quejas, o la maja y el ruiseñor). Après l’entracte et un instant de détente avec Trois pièces orientales très colorées de sa composition, l'artiste offre un florilège de pages de Chopin en un mélange d’intelligence, de sincérité et de passion contenue.
Michel Le Naour
La Roque d’Anthéron, Parc du Château de Florans, du 16 au 19 août 2017
Photo Lukas Geniušas © Jean-Baptiste Millot
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