Journal

27e Edition du Temps d’Aimer à Biarritz - Riche mélange - Compte-rendu

De cette avalanche de compagnies, venues de tous horizons et qui ressentent le fait de pratiquer la danse avec des perceptions radicalement opposées, on ne retient que le meilleur, tout en ayant aperçu le moins bon, auquel on ne s’attend pas forcément quand les troupes invitées jouissent d’une réputation flatteuse ou sont vigoureusement promues par leur pays ! Et il faut à Thierry Malandain, qui dirige le Festival en même temps que Ballet Biarritz, une bonne dose à la fois d’enthousiasme et de curiosité pour s’émerveiller de découvertes ou de confirmations, et aussi de philosophie pour accepter les déceptions, voire les vrais ratages.
 
Horizons lointains donc cette année encore, avec Israël et la Colombie, européens avec l’Italie, la Serbie et les Pays-Bas, véritable mine chorégraphique, et une forte présente française allant du pur classique au totalement loufoque ou aventureux, avec pour couronner le tout, la pointe de piment basque sans laquelle le Temps d’Aimer perdrait les couleurs de son terroir, si attaché à la danse. D’où le succès du Festival où les salles sont pleines, pour les spectacles de toute sorte, ce qui en fait un précieux outil de lecture de l’évolution de la danse à ce jour.

Compañia de Danza de Bogotá © Stéphane Bellocq
 
De l’avis du directeur lui-même, l’un des chocs de l’année revient à la Kibbutz Contemporary Dance Company, exemple vigoureux de cette force vitale, souvent provocante et massive qui habite le pays, dans la mouvance du formidable Ohad Naharin, avec ici le tourbillon enfiévré de Horses in The Sky, d’un autre Israélien, Rami Be’er. Aux antipodes, Eric Vu An, qui se bat pour conserver au Ballet de Nice une identité et une authenticité de beau classicisme, a reçu l’accueil le plus flatteur et une forte adhésion pour son travail courageux et raffiné, marqué par une pépite du répertoire, Coppélia et par le superbe Gnawa de Nacho Duato.
 
En contrepoint, Jean-Claude Gallotta, Hervé Koubi et leurs recherches savantes, la fantasmagorie que propose le Système Castafiore, dont la danse n’est qu’un élément, ont montré la solidité de leur apport. Que dire en revanche de la Compagnie Adéquate (photo), petite cellule infiniment sympathique, qui s’interroge sur la condition de danseur et tente de porter un « regard sociologique » sur cette mise en question, sinon que ses interprètes sont attachants, séduisants, et bougent avec une sorte de fraîcheur qui enlève sa flèche à la critique potentielle ? Les voir dans cette pièce intitulée Job, est un moment de grâce qui doit beaucoup à une sorte d’amateurisme assumé, et au réel talent de certains, comme la fine Claire Lavernhe et le puissant Smain Boucetta. Mais que de bruits avec le tintamarre qui l’accompagne, signé Rouchier !
 
Et que de bruit encore (dû à un  certain Angel !) pour la Compagnie de Bogota, porteuse de moments éprouvants dans Columbarium, encore que l’engagement des danseurs, la douleur qui émane de leurs corps hurlants (au propre et non au figuré), la qualité du décor qui les enferme dans des boîtes où ils cessent d’exister, arrive à  impressionner. Mais on reconnaît trop dans leur style les facettes d’une foule d’influences japonaises et européennes (dont une allusion au Faune de Nijinsky) mal digérées, alors que leur violence, elle, est bien authentique. Il reste à ces valeureux à trouver leur style, leur langage propre.

Aterballetto © Caroline de Otero

Que de bruit encore pour le fameux Aterballetto, illustre et réjouissante compagnie italienne qui a perdu beaucoup de sa grâce et de sa substance depuis que Mauro Bigonzetti, personnalité au charisme hors normes, a quitté la troupe ! Le support musical de la pièce proposée était pourtant choisi, avec des noms tels que ceux de Patti Smith, Tom Waits et Keith Jarrett. Mais monté à ces cimes de décibels, il n’était plus qu’une infernale fournaise sonore, qui gâchait totalement sa fine substance. Le corps, eux, bougeaient bien, déroulant une chorégraphie assez insipide et mollement glamoureuse du pourtant estimé Johan Inger, Néerlandais de talent, lequel dans ce Golden Days n’a fait couler qu’un robinet d’eau tiède pour un spectacle qui tenait du divertissement de casino. Alors que l’Aterballetto, l’une des rares compagnies italiennes à présenter quelque intérêt, enchantait jadis tous les publics. Du parfum au soap…
 
Mais la moisson est bonne, qui a permis quelques découvertes de poids, confirmé la qualité de la danse française et donné des armes au public pour s’y retrouver dans la marée des ego chorégraphiques contemporains. Il en redemande, et les jeunes notamment, extrêmement sensibilisés à la danse par le travail que Ballet Biarritz accomplit depuis 20 ans dans la région.
 
Jacqueline Thuilleux

logo signature article

 
Biarritz, « Le Temps d’Aimer », du 8 au 17 septembre 2017 Spectacles chroniqués : les 14 et 15 septembre 2017 / letempsdaimer.com/

Photo (Compagnie Adequate) © Stephane Bellocq

Partager par emailImprimer

Derniers articles