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Le Couronnement de Poppée de Monteverdi à Nantes – Exacerbation des sentiments – compte-rendu
La tempérance n’est pas de mise dans la production du Couronnement de Poppée d’Angers Nantes Opéra. Les metteurs en scène Moshe Leiser et Patrice Caurier ont délibérément choisi de placer ce moment de la comédie humaine de la Rome impériale sous le signe de l’exacerbation des sentiments. La représentation détourne l’esthétique baroque de ses oripeaux en recourant à des costumes contemporains d’Agostino Cavalca dans une vision décadente et délétère, avec gratte-ciel en arrière-plan.
Texte et musique fonctionnent à merveille grâce à la connivence entretenue dans la fosse par Gianluca Capuano – qui assure le continuo depuis le clavecin tout en dirigeant avec acuité les dix musiciens de l’Ensemble Il Canto di Orfeo – et Moshe Leiser qui donne les impulsions et sculpte la phrase pour mieux en extraire l’intensité des émotions. Une manière de rappeler que le compositeur et son librettiste Francesco Busenello travaillèrent de concert à l’époque de la création en 1642 à Venise.
© Jean-Marie Jagu pour Angers-Nantes Opéra
La distribution se révèle digne de tous les éloges, et dès le prologue allégorique se détache le dieu Amour du jeune contre-ténor Logan Lopez Gonzalez (20 ans), éphèbe ailé impressionnant de présence et de facilité vocale. Descendu des cintres tel un ange baroque solaire tout d’or vêtu, il campe un personnage quasi intemporel d’une prégnante délicatesse. La Poppée de chair de la soprano Chiara Skerath et le Néron volontiers falot du ténor Elmar Gilbertsson forment un couple fusionnel y compris dans l’horreur la plus crue entre scènes de sodomisation, égorgement, etc.
La mort de Sénèque (rôle tenu par l’excellent Peter Kalman) se déroule dans un bain de sang, et la répudiation d’Ottavia (incarnée par la flamboyante Rinat Shaham) s’achève comme dans Tosca par un saut dans le vide. Au dernier acte, Poppée et Néron fêtent leur triomphe, mais les larmes de sang pleuvent comme dans un drame shakespearien.
Mentions spéciales pour les deux nourrices : Dominique Visse en Nutrice d’Ottavia percluse de rhumatismes apparaît comme une confidente haute en couleur aux accents tantôt triviaux tantôt d’une tendresse infinie ; Eric Vigneau se distingue par sa prestation de haut vol en Arnalta travestie. Irréprochable est aussi la prestation de la Drusilla d’Elodie Kimmel et à un moindre degré celle de l’Ottone du baryton Renato Dolcini.
Pour sa dernière saison, Jean-Paul Davois, le Directeur d’Angers Nantes Opéra, frappe un grand coup avec ce Couronnement de Poppée incendiaire qui aura marqué les esprits.
Michel Le Naour
Monterverdi : Le Couronnement de Poppée - Nantes, Théâtre Graslin, 17 octobre 2017
Photo © Jean-Marie Jagu pour Angers-Nantes Opéra
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