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Marie-Ange Nguci en récital à la salle Cortot – Musique d’abord – Compte-rendu

Parfaite coordination : le jour même de la sortie officielle de son premier disque (un programme Bach/Busoni, Franck, Escaich et Saint-Saëns, chez Mirare), Marie-Ange Nguci avait rendez-vous avec le public – nombreux ! – de la salle Cortot dans un programme dense et ambitieux qui aura donné la mesure du talent d’une artiste dont on a tracé le portrait il y peu (1)

Dès l’attaque de la Chaconne, la pianiste manifeste un propos absolument dominé et une exacte conscience du but à atteindre. Et quel merveilleux voyage réserve-t-elle à ses auditeurs ... Sa conception se situe tout à l’opposé du char d’assaut virtuose auquel finit parfois par ressembler le plus fameux des Bach/Busoni. Marie-Ange Nguci n’oublie pas le violon et le mouvement de l’archet ; forte de sa pratique de l’orgue, elle songe beaucoup aussi à celui-ci, se livrant à un véritable exercice de registration. Son sens de la couleur et des plans sonores lui permet de signer une interprétation singulière, exempte d’effet, infiniment variée et séduisante.

Profonde intelligence du texte, moyens superlatifs ? Assurément, mais il reste que ce sont toujours la musique et la poésie qui priment chez Marie-Ange Nguci. Tant de fois trahi par des virtuoses pressés – d’aller faire les intéressants dans Scarbo ! – Gaspard de la nuit en dit long sur la maturité d’une interprète de 19 ans seulement. Fluidité envoûtante d’Ondine, magnétisme du Gibet, on pourrait rêver d’un Scarbo plus cauteleux, certes, mais ... quel art, quel aboutissement, déjà ! Après l’univers nocturne du gnome, la Fugue du Prélude, Choral et Fugue de Franck conclut la première partie, conduite avec autant de lisibilité que de luminosité et de souffle. 

La technique pour se libérer de la technique : Marie-Ange Nguci a les moyens de penser au-delà du piano – de viser haut. La manière dont, après la pause, elle aborde Prélude, Aria et Final –  le testament pianistique de Franck –, triptyque auquel on la sait très attachée, montre une poésie et une hauteur de vue proprement sidérantes dans une interprétation structurée et fluide, vibrante et quintessenciée.

Formidable musicienne que ce petit bout de femme ! Au terme d’un récital déjà bien rempli, la pianiste mobilise ses forces pour la 6ème Sonate de Prokofiev et, une fois encore, fascine par une approche aussi intense que rétive au tape-à l’œil. Sa maîtrise du matériau sonore et de la dynamique lui permet de toujours trouver la focale appropriée dans une musique très visuelle, cinématographique même, et d’assumer jusqu’à son terme le défi, avec une intensité et un aplomb rares.
Les bis ? La cadence du Concerto pour la main gauche de Ravel, pleine de fantômes, la Toccata op. 111 n° 6 de Saint-Saëns, pur élan de bonheur solaire et, pour vraiment conclure, le scarlattien Menuet de la 4ème Partita de Bach.

Alain Cochard

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Paris, Salle Cortot, 10 novembre 2017-11-20
 
(1) www.concertclassic.com/article/marie-ange-nguci-le-piano-et-au-dela

Photo © Caroline Doutre

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