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Jephta de Haendel au Palais Garnier - Sur papier glacé - Compte-rendu

Jephta (1752) est le dernier oratorio de Haendel. Et comme pour tout oratorio il n’était pas destiné à être mis en scène, même s’il raconte une histoire et met en jeu des personnages. Notre époque récente s’est donc attelée à représenter scéniquement l’ouvrage, en même temps qu’on le redécouvrait au répertoire.
 
Dans le cas présent, la mise en scène avait été étrennée en 2016 à l’Opéra d’Amsterdam et constitue au Palais Garnier un « nouveau spectacle » (suivant l’intitulé adopté par l’Opéra de Paris). Celui-ci revient à Claus Guth, avec le savoir-faire qui lui est coutumier, parvenant à donner prise à cette trame d’origine biblique (comme tous les oratorios de Haendel, sur un livret en anglais, au rebours de ses opéras inspirés de la mythologie sur des livrets italiens), qui narre les affres du roi israélite Jephté, confronté à son vœux de sacrifier le premier être vu après sa victoire contre la peuplade ennemie. En l’espèce, l’objet du sacrifice tombera sur sa fille même, d’où les transes des protagonistes dans une situation qui rappellerait celle de l’Idomeneo de Mozart. Il est toutefois piquant qu’après un « carnage de l’ennemi » joyeusement célébré, on se lamente pendant les deux derniers actes entiers des trois actes sur le sort mortel promis à l’innocente Iphis. Paradoxe des conventions des livrets du temps ! Mais tout finira bien, comme de juste, à l’encontre du récit biblique, par l’entremise d’un ange débarqué opportunément du ciel.

 © Monika Rittershaus - Opéra national de Paris

Pour dire que ce livret recèle peu de situations saillantes, sur une musique qui elle aussi a tendance à s’appuyer sur des stéréotypes parmi une enfilade d’arias, récitatifs et chœurs attendus. La tâche n’était donc pas évidente pour Claus Guth, qui parvient à donner consistance à cette forme d’allégorie convenue, sans recourir cette fois à des cosmonautes et autres engins interplanétaires (1), par des images somptueuses et des mouvements impérieusement réglés. La scène se présente ténébreuse, toute de noir et gris y compris pour les protagonistes en costumes actuels (ou intemporels), sauf la gentille Iphis en blanc éclatant comme il se doit, entre des projections évocatrices, quelques traits de décors symboliques, dont des ombres de rapaces et un défilé de lettres à taille humaine (découpant « It must be so », « il doit en être ainsi », premiers mots du livret) sur des chorégraphies impeccables (signées Sommer Ulrickson pour des foules de danseurs et figurants). Beau plastiquement et parlant. La mise en scène ne s’en tient cependant pas là, qui évolue au fil du spectacle jusqu’à une nudité du plateau qui laisse les intervenants aux prises avec leurs affects et une musique devenue plus inspirée s’épancher sans entraves. Une prenante réussite !
 

 © Monika Rittershaus - Opéra national de Paris

À cette conception scénique froide et glacée, correspond une même approche musicale, soigneusement mise en place mais sans réels rebondissements. Puisque William Christie en est le maître d’œuvre, de sa battue infiniment attentive à travers une constance uniformément étale. Mais justement, dans cette musique peu soumise à soubresauts, on aurait peut-être aimé un orchestre des Arts Florissants plus allant que la permanente dynamique mezzo forte qu’il dispense, en dépit de sa belle sonorité. Le chœur, des Arts Flo toujours, lui, ne manque pas de vaillance parmi ses interventions, cœur et centre de cet oratorio, dans une acuité sans faille.
 
La distribution vocale, réduite à six rôles dont l’épisodique Ange final, serait du même ordre, lisse et sans accroc. On goûte le subtil phrasé d’émission toujours lyrique de Katherine Watson pour Iphis. Tim Mead distille une projection affirmée de contre-ténor pour Hamor, l’amoureux au nom tout indiqué d’Iphis (il en fallait bien un !). Ian Bostridge est ce Jephté douloureux que son rôle appelle, dans une projection ardemment soutenue. En phase pareillement, la Storgé de Marie-Nicole Lemieux et le Zebul de Philippe Sly, comme on s’en serait douté, mais aussi l’Ange du contre-ténor Valer Sabadus. Pour une restitution, tant musicale que scénique, nickelée.
 
Pierre-René Serna

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(1) Voir notre récent compte-rendu de La Bohème à l’Opéra Bastille :
www.concertclassic.com/article/la-boheme-lopera-bastille-de-paris-la-lune-compte-rendu
 
Haendel : Jephta – Palais Garnier, Opéra de Paris, 13 janvier : prochaines représentations les 15, 17, 20, 22, 24, 28 & 30 janvier 2018 / www.concertclassic.com/concert/jephtha
 
© Monika Rittershaus - OnP

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