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Les lauréats du 13e Concours international d’Orléans aux Bouffes du Nord – Maroussia Gentet ou la modernité passionnée – Compte-rendu
L’affaire est désormais réglée comme du papier musique : tous les ans, une semaine après la finale du Concours international de piano d’Orléans (compétition dont la spécificité tient à la focalisation sur un répertoire compris entre 1900 et aujourd’hui), les trois principaux lauréats (1) ont rendez-vous avec le public parisien au théâtre des Bouffes de Nord.
On avait entendu Maroussia Gentet, Premier Prix Mention Spéciale « Blanche Selva », huit jours plus tôt à Orléans. De la réécouter à Paris joue en sa faveur. Elle apparaissait un peu fatiguée lors de la finale (en particulier dans le 3ème mouvement de la Sonate de Dukas, sans grande luminosité et sur le fil du rasoir) ; la soirée des Bouffes la montre dans une tout autre forme. Shéhérazade, premier volet des Masques de Karol Szymanowski, témoigne de la maîtrise et de l’opulence sonore dont la jeune Française en capable, tandis que les Six Encores de Berio, sommet de sa prestation, offrent un exceptionnel exemple de caractérisation et des nuances d’une rare subtilité.
Avec Au Cœur de l’oblique d’Héctor Parra (la commande du 13ème Concours pour sa finale), l’interprète se confronte à une pièce particulièrement physique qui débute debout par des frappes, grattements, pincements et autres amabilités sur les cordes de l’extrême grave, avant de faire appel aux coudes, aux avant-bras, au plat des mains, au moins autant qu’aux doigts. Résultat spectaculaire, incontestablement, d’autant que M. Gentet s’attelle à la tâche avec une énergie passionnée. Mais, après les trois auditions de la finale et celle des Bouffes, on ne peut s’empêcher de trouver l’ouvrage un peu longuet et redondant.
hyeonjun Jo © oci-piano
Prix d’interprétation « Chevillion-Bonnaud » et Prix de composition « Chevillion-Bonnaud » (ex-aequo avec Miharu Ogura), Hyeonjun Jo défend l’Etude n° 2 de Dusapin avec aplomb et de belles couleurs. Palette sonore qui ne saurait suffire dans El Amor y la Muerte, bouleversant épisode des Goyescas de Granados, dont le Coréen ne sait que faire (comme lors de la finale). Etirage de guimauve et brusquerie : la partition ouvre des portes certes, mais pose aussi des limites ...
Miharu Ogura © oci-piano
Prix de composition « Chevillion-Bonnaud » (ex-aequo avec Hyeonjun Jo) et Prix Mention Spéciale – Claude Helffer, la Japonaise Miharu Ogura explore les entrelacs de la Barcarola de Holliger avant de s’emparer de Cape Horn (n° 3 des Etudes australes) d’Ivan Fedele avec une digitalité remarquable. Un peu plus de densité dans la sonorité, des couleurs plus affirmées n’auraient toutefois rien de superflu.
Alain Cochard
(1) Palmarès détaillé du 13ème Concours : www.oci-piano.com/fr/
Paris, Théâtre des Bouffes du Nord, 26 mars 2018
Photo Maroussia Gentet © maroussagentet.com
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