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Faust de Gounod (version 1859) au Théâtre des Champs-Élysées - Retour aux sources - Compte-rendu
« Faust est à coup sûr le succès du lendemain. » Ainsi se conclut, de façon prémonitoire, l’article où Berlioz fait un compte-rendu détaillé et élogieux (comme toujours vis-à-vis de son confrère) de la création de l’opéra de Gounod en 1859. Mais si Faust a effectivement connut par la suite une gloire ininterrompue, pour devenir avec Carmen l’opéra français le plus joué, sa version primitive diffère essentiellement de l’œuvre telle qu’on la connaît. Car au fil des nombreuses reprises du vivant même de Gounod, le compositeur n’a cessé de remanier sa partition.
Lors de la création, au Théâtre-Lyrique à Paris le 19 mars 1859, il s’agissait d’une forme d’opéra-comique, incluant des dialogues parlés et des mélodrames (parlé sur fond instrumental). Sous l’égide du Palazzetto Bru Zane, Paul Prévost, avec l’aide de Gérard Condé, s’est attaché à revenir à cet état initial (assorti d’une nouvelle édition de la partition chez Bärenreiter). La tâche n’était pas aisée, car dès la mise en répétitions jusqu’à ses premières représentations, l’œuvre a été constamment modifiée. Il a fallu s’appuyer sur la première édition chant et piano publiée plus tardivement, en juin 1859. Sachant qu’entre-temps certains numéros musicaux ont disparu et que pour d’autres cela a nécessité de procéder à des reconstitutions d’orchestrations perdues, pour les cinq mélodrames en particulier.
Benjamin Bernheim (Faust) et Andrew Foster-Williams (Méphistophélès) © Festival Bru Zane à Paris
L’intention est donc louable, même si on ne peut tabler, en l’espèce, sur une version strictement conforme aux intentions originelles, en elles-mêmes déjà multiples. Au Théâtre des Champs-Élysées, cette version de concert suscitait donc toutes les attentes. Disons d’emblée, toutefois, que la révolution n’est pas exactement celle espérée. Ainsi, l’œuvre s’apparente à la pièce que l’on connaît pour ses passages les plus significatifs mais aussi les plus inspirés (dont on comprend que Gounod les ait conservés), avec bien peu de traits saillants pour ses moments retirés par la suite. On note dans ces variantes oubliées parfois quelques touches attractives, comme les cloches intervenant dans le puissant final. Mais la grande innovation réside essentiellement dans les passages parlés (semble-t-il réduits lors de ce concert) et les mélodrames. La nouveauté est donc surtout dans la forme et dans l’esprit : celui d’un opéra de demi-caractère, tel qu’il devait se maintenir et explique le pourquoi d’une trame légère (y compris dans un livret qui enfile les perles de ses bijoux) par rapport au drame de Goethe.
Véronique Gens (Marguerite) et Christophe Rousset © Festival Bru Zane à Paris
Pour ce retour, la restitution musicale tâche aussi de s’inscrire dans les habitudes d’époque : un instrumentarium comme il devait l’être en son temps, par les soins des Talens Lyriques, et un plateau vocal de même facture. Benjamin Bernheim incarne donc ce Faust de technique mixte, s’autorisant des aigus en voix de tête, judicieusement et avec une maîtrise sans faille de l’émission. Le ténor émergent du moment, à suivre ... Véronique Gens, autre prise de rôle, dispense une Marguerite ductile et de présence douloureuse, avec sa technique éprouvée. Andrew Foster-Williams est ce Méphistophélès de comédie bien lancé (avec un léger accent dans ses interventions parlées). À Ingrid Perruche revient une Dame Marthe soprano, comme elle l’était à l’origine, parfaitement soutenue. Le reste de la distribution se révèle tout autant bien en phase, avec le Valentin fermement projeté de Jean-Sébastien Bou, le Siebel adapté de Juliette Mars comme le Wagner d’Anas Séguin (remplaçant de dernière minute).
Le Chœur de la Radio Flamande confirme les vertus de cohésion expressive qu’on lui connaît. Et Christophe Rousset emporte tout ce beau monde avec ardeur et allant, face à des Talens Lyriques électrisés.
Pierre-René Serna
Gounod : Faust (version originale) – Paris, Théâtre des Champs-Élysées, 14 juin 2018.
Photo © Festival Bru Zane à Paris
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