Journal
Ariane à Naxos au Festival d’Aix-Provence 2018 – Morne soirée – Compte-rendu
Les décors de Chloé Lamford sont pourtant plutôt réussis et si, l’entracte arrivant, on est plutôt lassé par l’agitation du Prologue, il faut attendre l’Opéra pour que les choses se gâtent franchement. Grande trouvaille, Ariane est enceinte ; l’accouchement va constituer le grand événement du second volet. Invention passablement abracadabrantesque qui conduit à tout focaliser sur la maman et à gommer la savoureuse présence de Zerbinetta et de ses sympathiques compagnons.
Ah... si !, Zerbinetta viendra ôter le revolver de la main d’Ariane à un moment tenté par un geste fatal. Un revolver ??? !!! Et oui, on oubliait, Bacchus a débarqué chargé de « présents » rangés dans trois coffrets transparents et éclairés : une arme de poing de bon calibre pour l’un donc, une carafe d’eau et un petit verre pour le second et – semble-t-il – une maquette de bateau pour le dernier. Quand les accessoires remplacent les idées ... Au chapitre du parasitage – mot clef pour définir cette Ariane à Naxos –, la fausse bonne idée d’un Compositeur installé devant son pupitre et dirigeant l’Opéra peut aller cinq minutes mais tape franchement sur les nerfs au bout d’une heure et demie ... Autre particularité de la production, l’introduction, via deux comédiens (Paul Herwig et Julia Wieninger), du couple de mécènes chez qui l’action d’Ariane se déroule (lui, assez ridicule dans une robe rouge, elle en smoking et nœud pap défait). Ce sera le prétexte de quelques « dialogues additionnels » (signés Martin Crimp), d’une parfaite inutilité, le comble étant atteint par l’intervention finale du mécène, qui remercie les chanteurs et annonce sentencieusement qu’à l’avenir, l’opéra prendra sans doute « une autre direction ». Brillante prophétie.
Morne, l’Ariane aixoise avait pourtant mis bien des atouts vocaux et musicaux de son côté, à commencer par Lise Davidsen (La Prima Donna /Ariane), voix riche, ample, longue - un peu trop wagnérienne pour cette partition, mais ne boudons pas le plaisir. A sa mesure, Eric Cutler s’acquitte du redoutable rôle de Bacchus avec une parfaite aisance. Volontaire et très attachant, le Maître de musique de Joseph Wagner convainc autant que le Compositeur très fouillé d’Angela Brower, ou le savoureux Maître à danser en talons aiguilles de Rupert Charlesworth.
Même si leur position est plus discrète, on est séduit aussi par le Laquais de la magnifique jeune basse serbe Sava Vemić (un nom à retenir !) et le Marjordome de Maik Solbach. Parfait trio de nymphes de Beate Mordal (Naïade), Andrea Hill (Dryade) et Elena Galitskaya (Echo). Est-ce pour se faire pardonner de complètement les éteindre scéniquement que Katia Mitchell a imaginé une robe lumineuse pour Zerbinetta et des ceintures lombaires – tout aussi éclairantes – pour les quatre Italiens ? Quelle frustration le public ressent-il s’agissant d’une telle chanteuse – et artiste – ; quelle frustration doit éprouver Sabine Devieilhe pour une prise de rôle qui ne la laisse absolument pas épanouir les potentialités du personnage ! Frustration sûrement partagée par Huw Montague Rendall (Arlequin), Jonathan Abernethy (Brighella), Emilio Pons (Scaramuccio) et David Shipley (Truffaldino) dans cette triste production.
Pour la première fois à Aix, Marc Albrecht, à la tête des musiciens de l’Orchestre de Paris, cherche un peu ses marques au cours du Prologue et installe ensuite une direction fluide et chambriste, mais qui gagnerait à plus creuser les détails et aviver certains angles, histoire de mettre une pointe de piment en fosse. Sur le plateau l’affaire semble, hélas, définitivement compromise ...
Alain Cochard
Strauss : Ariane à Naxos – Aix en Provence, théâtre de l’Archevêché, 4 juillet ; prochaines représentations les 9 ; 11, 14 et 16 juillet 2018 (à 22h) / https://festival-aix.com/fr/evenement/ariane-naxos
Retransmission en direct sur concert.arte.tv/fr le 11 juillet
Photo © Pascal Victor-Artcompress
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