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Le Requiem de Berlioz dirigé par Valery Gergiev au Festival de Saint-Denis - Éclatante intériorité - Compte-rendu

À seulement un peu plus de deux mois de distance, la même œuvre, servie par des forces différentes mais une même ferveur, génère un rapprochement à bien des égards éloquent. Le Requiem de Berlioz succède donc à la Basilique de Saint-Denis, à celui donné fin avril à la Philharmonie de Paris (1) ; et la direction de Valery Gergiev (photo) à celle de Mikko Franck, devant des interprètes apparentés mais autres : l’Orchestre national de France en place de l’Orchestre Philharmonique de Radio France, le Chœur de Radio France pour accompagner dans les deux cas ces phalanges de la radio française, augmenté toutefois à Saint-Denis du Chœur de l’Académie Santa Cecilia de Rome. Le jeu des comparaisons s’insinue inévitablement.
 
D’abord pour le lieu. L’acoustique de la basilique nécropole des rois de France présente un caractère réverbéré qui dessert l’impact d’ensemble au bénéfice de certains détails (les cymbales frottées de l’Hostias par exemple). Les quatre fanfares de cuivres du Tuba Mirum (cette fois placées aux quatre coins de la masse des musiciens, comme il se doit), en pâtissent quelque peu, dans un emmêlement mal distinctif ; et la sonorité générale se fait elle-même peu contrastée. Alors que la grande salle de la Philharmonie réservait une sonorité globale détaillée, pour des effectifs interprétatifs similaires (une grosse centaine d’instrumentistes et deux cents choristes).
 
Alexander Mikhailov(ténor) © FSD

Est-ce ces conditions acoustiques ? Toujours est-il que Gergiev semble en tenir compte dans des tempos en rapport, mesurés mais évolutifs au sein d’une lecture toute d’intériorité. Ce qui vaut de beaux moments ineffables, comme l’Offertorium (mouvement qui « surpasse tout » selon Schumann), parmi l’enchaînement sans pause ni temps mort des différentes parties. Le chœur s’exprime toutefois mieux pour sa part dans les passages élégiaques ou profonds (« Salva me » du Rex Tremendae), en raison de pupitres féminins plus subtils que leurs correspondants masculins. Quant à l’orchestre, alliant unité et relief, il obéit sans faillir aux ordres impérieux d’un chef ayant de longue date une pratique de la musique de Berlioz. Pour une restitution à l’intensité retenue, mue par une force souterraine et une grandeur austère (quand, par exemple, Mikko Franck témoignait d’une ardeur quasi juvénile pour une œuvre ne figurant pas à son répertoire).
 
Le ténor Alexander Mikhailov, qui a déjà à son actif le rôle-titre de Benvenuto Cellini et les légers Iopas et Hylas des Troyens, témoigne d’un style opportun pour sa partie soliste du Sanctus, dans un legato bien lancé sous les voûtes de la basilique et des aigus filés. Et c’est ainsi que pour son grand concert de clôture, le Festival de Saint-Denis s’inscrit dans une fière filiation, après ce même Requiem restitué par Colin Davis en 2008 et par John Eliot Gardiner en 2012, autres maîtres ès Berlioz.
 
Pierre-René Serna

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(1) Lire notre compte-rendu : www.concertclassic.com/article/mikko-franck-dirige-le-requiem-de-berlioz-la-philharmonie-de-paris-accompli-compte-rendu
 
Berlioz : Requiem – Saint-Denis, Basilique, 5 juillet 2018.

Photo © Marco Borggreve

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