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La Flûte enchantée au Teatro dell’Opera di Roma – Cartoonesque Zauberflöte – Compte-rendu
Transposer La Flûte enchantée dans l’univers de la bande dessinée et du cinéma muet, voilà le principe scénographique imaginé par Barrie Kosky, Suzanne Andrade et le collectif londonien « 1927 », dont la production créée en 2012 à la Komische Oper de Berlin, poursuit son itinérance après l’Opéra-Comique la saison dernière (1) et Rome, où elle vient de faire escale pour neuf représentations. Rythmée pour coller à ce concept cartoonesque où les images vidéo abondent en un kaléidoscope infernal pour soutenir le propos, le spectacle fait la part belle aux images omniprésentes, dans lesquelles les personnages viennent s’incruster par des ouvertures dérobées. Pour être compris du jeune public, les dialogues parlés ont été supprimés, remplacés par des intertitres et par des pièces pour piano de Mozart comme au temps du muet où les films étaient projetés et accompagnés en direct, tandis que les adultes peuvent reconnaître Buster Keaton sous les traits de Papageno, Louis Brooks sous ceux de Pamina ou s’amuser de voir apparaître Monostatos en Nosferatu de Murnau tiré par un cerbère.
© Teatro dell'Opera di Roma
Angoissante lorsqu’une araignée géante (La Reine de la nuit) court à toutes jambes après Pamina, drôles lorsque Papageno se laisse griser et se voit entouré d’éléphants roses psychédéliques, les vidéos disparates imaginées par Paul Barritt, auraient sans doute gagné en puissance si leur graphisme avait été plus travaillé à la manière d’un Jean-Christophe Averty qui reste un modèle du genre et n’avaient éludé ni l’humour ni la féerie de ce conte iniatique. Or cette composante fait défaut, les quelques gags répartis ça et là ne suscitant pas plus que le sourire. Réduits à l’état de silhouettes ou de pantins déshumanisés, les personnages n’existent pas et les questions philosophiques soulevées dans la partition ne sont que survolées, ce qui en limite la portée.
Une distribution de qualité aurait certainement permis de pallier ces lacunes, mais ce ne sont ni Juan Francisco Gatell, Tamino vocalement inexistant et au timbre anémié, ni la Pamina d’Amanda Forsythe à la projection confidentielle, ni encore moins le Monostatos catastrophique de Marcello Nardis, ou les trois Dames insuffisantes de Louise Kwong, Irida Dragoti et Sara Rocchi, qui ont été source de satisfaction. Joan Martin-Royo sauve les meubles en Papageno, comme Antonio Di Matteo en Sarastro d’abord hésitant puis plus assuré en seconde partie, Christina Poulitsi retrouvant une nouvelle fois les vocalises de cette inquiétante Reine de la Nuit. Dans la fosse, le Hongrois Henrik Nánási fait tout ce qui est en son pouvoir pour plier l’orchestre de l’Opéra au cadre extrêmement contraignant de ce spectacle en mouvement, où la souplesse, la respiration et les couleurs mozartiennes ont quelques difficultés à s’épanouir.
François Lesueur
(1) Lire le CR : http://www.concertclassic.com/article/la-flute-enchantee-lopera-comique-drolatique-feerie-compte-rendu
Mozart : Die Zauberflöte – Rome, Teatro Costanzi, 13 octobre 2018 / www.operaroma.it
Photo © Teatro dell’Opera di Roma
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