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73e Concours International de Musique de Genève (Piano/Finale) – Partage franco-russe – Compte-rendu
Au terme d’un parcours exigeant, dont la demi-finale présente la particularité d’imposer une œuvre de musique de chambre dans son intégralité (le Quintette pour piano et vents KV 452 de Mozart cette fois), trois concurrents restaient en lice pour la finale avec l’Orchestre de la Suisse Romande, placé sous la baguette du Canadien Peter Oundjian.
Autant le choix du 3ème Prix ne souffrait guère de discussion au sortir de cette ultime épreuve, autant celui entre le 1er et le 2ème Prix apparaissait infiniment plus ardu, tant il semblait délicat – et à vrai dire injuste – de faire la distinction entre deux profils très différents mais pleinement convaincants, chacun à sa manière. Comme cela avait été le cas en 2011 avec les Quatuors Hermès et Armida, le jury a préféré ne pas trancher et reconnaître les qualités des deux candidats en leur attribuant un 1er Prix ex æquo ; une première place partagée (1) entre Théo Fouchenneret (France) et Dmitry Shishkin (Russie). Excellente décision !
Musicien extrêmement précoce, formé à l’Ecole Gnessin et au Conservatoire Tchaïkovski de Moscou (puis avec Epifanio Comis, pédagogue auprès duquel il continue d’étudier à Catane), Shishkin, 26 ans, peut se prévaloir d’une solide
expérience en matière de concours (avec des récompenses à Bolzano, Rio ou Varsovie entre autres), tout comme dans son activité de concertiste, déjà très soutenue. On le mesure en le voyant d’emblée prendre possession du 3ème Concerto de Prokofiev : virtuosité élancée – à l’image de la haute et longiligne silhouette du jeune homme – et admirable palette sonore se conjuguent en un jeu très complet. Le défi technique est redoutable, mais pas un signe de fatigue ne point au cours d'une interprétation pleinement assumée – avec de vraies prises de risques – qui sait traduire les humeurs variées de la partition. Dans un autre contexte, Shishkin parviendrait sûrement à creuser plus encore les espaces poétiques ouverts par l’Opus 26 ; n’ergotons pas, le résultat s’avère déjà splendide. Le Prix du Public, le Prix « Jeune Public » et le Prix « Etudiants » viennent d’ailleurs s’ajouter à la récompense suprême.
Avec le 3ème Concerto de Béla Bartók, Théo Fouchenneret (24 ans) opte pour une partition infiniment moins publique – moins « payante » pour parler trivialement – que le 3ème de Prokofiev, mais hautement révélatrice sur le plan musical. Issu du CNSMD de Paris, où il a travaillé avec Alain Planès et Hortense Cartier-Bresson, le Français est d’abord connu comme chambriste, en particulier au sein de l’Ensemble Messiaen (à géométrie variable) qu’il forme avec Raphaël Sévère (clarinette), David Petrlik (violon) et Volodia Van Keulen (violoncelle). Avec ces deux derniers, Fouchenneret a remporté en avril dernier le 1er Prix du Concours de Musique de Chambre de Lyon, consacré au trio avec piano, mais en tant que soliste demeurait jusqu’à présent très éloigné du monde des concours.
Concours International de Musique : celui de Genève se montre pleinement digne de son appellation en plaçant Shishkin et Fouchenneret sur la plus haute marche du podium. Tout au long du Bartók, le Français demeure pleinement concentré sur la substance poétique. Il sait révéler les beautés de la partition au moyen d’un jeu dont la souplesse, la variété des couleurs et le naturel absolu traduisent la singularité d’un Bartók testamentaire mais en rien crépusculaire. L’Adagio religioso va à l’essentiel et, lors des échanges avec l’harmonie, montre un sens du dialogue très chambriste - l’intelligence de la relation soliste avec l’orchestre constitue d’ailleurs l’une des qualités premières de cette interprétation –, avant un finale d’un irrésistible tonus rythmique.
Pas de 2ème Prix donc, mais un 3ème, à San Jittakarn, 26 ans. Le Thaïlandais, qui a réalisé l’essentiel de sa formation aux Etats-Unis (Juillard School), signe un Concerto n°3 de Beethoven de facture plus qu’honorable mais sans grande originalité. La clarté et le délié de son jeu s’illustrent dans les mouvements vifs – on y sent quelques chute de tension aussi ... Quant au Largo, il a le mérite de la simplicité, mais ne parvient pas à restituer le frisson poétique d’une musique située à un tournant de l’évolution esthétique du compositeur.
Alain Cochard
Genève, Victoria Hall, 8 novembre 2018 / www.concoursgeneve.ch
Photo © Anne-Laure Lechat
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