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Marek Janowski prend la direction musicale de la Philharmonie de Dresde – Un tournant emblématique – Compte-rendu
Marek Janowski (photo) revient à l’une de ses amours : cette prestigieuse Philharmonie de Dresde, au son riche et puissant, qu’il dirigea de 2001 à 2003, et qui lui confie à nouveau ses destinées pour au moins trois ans. Il la retrouve dans un KulturPalast rénové et rouvert depuis 2017, avec des conditions d’accueil et d’écoute enfin dignes de la cité, sur laquelle plane également l’ombre fameuse de la Staatskapelle, autre bastion de la vie musicale d’un lieu que la Semperoper marque aussi de sa forte empreinte, cette Staatskapelle, donc, dirigée par le très contesté grand timonier Christian Thielemann, et avec laquelle la Philharmonie maintient une concurrence bénéfique pour son niveau, porté à l’excellence par son chef actuel, Michael Sanderling, niveau salué par Janowski lors de sa conférence de presse du 5 avril dernier.
Nul n’a oublié le passage du chef à Paris, où il demeura durant seize ans à la tête du Philharmonique de Radio France, de 1984 à 2000, avant d’enchaîner pendant cinq années sur celui de Monte-Carlo. Deux décennies pendant lesquelles on a pu juger de sa poigne vigoureuse, de son engagement passionnel, de sa rigueur parfois lointaine, sans savoir si le contact avec la culture française avait influé sur son style et sa personnalité, même s’il s’adonna avec succès à la lecture de notre patrimoine musical. Une personnalité solide, inflexible, apparemment peu fantaisiste, ce qui n’était pas peut-être pas totalement en phase avec le tempérament national, mais qui convient idéalement aux plus disciplinés musiciens allemands, qu’il connaît bien pour les avoir dirigés partout, et notamment lorsqu’il fut chef du Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin pendant quatorze années. On se souvient aussi de sa résistance à l’oppresseur théâtral contemporain lorsqu’il souffrit tant en 1990 lors d’un terrible Maîtres Chanteurs de Nuremberg, au Châtelet, monté par Claude Régy, qui l’éloigna de la conduite scénique d’opéras pour un bon moment. Il ne se priva pas de le dire !
© Joerg Simanowski
D’une sensibilité qu’il maîtrise solidement, mais qui affleure dans ses interprétations, Janowski est le contraire de la langue de bois : lorsqu’on lui demande s’il est heureux de sa nouvelle position sur la carte musicale, il répond que l’Orchestre est pour lui un défi qualitatif, mais qu’il en est un aussi pour lui ! A condition que Dieu lui prête vie, puisque ses 80 ans viennent de sonner. L’octogénaire ardent oublie le temps lorsqu’il présente la saison abondante et contrastée conçue pour la Philharmonie avec Frauke Roth, intendante de l’orchestre, et se déroulant en une année 2020 majeure à Dresde, où la multiplicité des célébrations va maintenir la ville en état de fête permanente : les 150 ans de la Philharmonie, les 30 ans de la Chute du Mur, les 50 ans du Kulturpalast, et, capital en Allemagne – et dans le monde – le 250e anniversaire de la naissance de Beethoven. Toute la saison le célébrera, avec Fidelio et la Missa Solemnis, mais aussi d’une façon originale, voulue par Janowski, et qui mettra en parallèle, au sein des mêmes concerts, l’œuvre symphonique et les quatuors, joués par le Quatuor Ebène, tandis que la toute jeune violoniste espagnole Maria Dueñas jouera le Concerto en ré majeur.
Pour le reste, au cours de la bonne centaine de concerts qui émailleront la saison dans les divers lieux où se produit la Philharmonie, on retrouvera le goût du chef pour les grands maîtres allemands et autrichiens, Weber, Brahms, Schumann, Wagner – auquel son nom reste attaché –, Richard Strauss, Haydn et Bruckner, dont il dirigera les Symphonies nos 4, 7 et 8 , mais aussi les Russes, tout en affichant son intérêt pour les musiques du XXe, avec Berg, Webern, Hindemith, et du XXIe siècle, puisque Penderecki viendra lui-même diriger son Concerto grosso pour trois violoncelles et orchestre, et qu’il invite en résidence le compositeur australien Brett Dean, déjà soutenu par Simon Rattle, tandis qu’une œuvre commandée à Salvatore Sciarrino sera donnée en hommage au 150 ans de la Philharmonie.
Quelques brillants Français seront aussi à l’honneur, Gautier Capuçon, Bertrand Chamayou, Louis Langrée, Olivier Latry, déjà présent lors des saisons précédentes de la Philharmonie. Enfin, La Ruée vers l’or de Chaplin, dont la musique sera jouée pendant la projection par la Philharmonie, Phill Glass chanté par Angélique Kidjo émailleront cette saison de touches piquantes, tandis que la ville s’ouvrira au monde avec le Jerusalem Quartet, le Taksim Trio, le Nouvel An chinois, la mandoline d’Avi Avital ou le sitar d’Anoushka Shankar. Capitale musicale dont les Français ne pèsent pas suffisamment le potentiel, mais que l’arrivée de Marek Janowski, qu’ils apprécient, attirera peut-être davantage, Dresde brillera encore plus dès la saison à venir.
Jacqueline Thuilleux
Premier concert de Marek Janowski avec la Philharmonie de Dresde, Kulturpalast, les 31 août et 1er septembre 2019 (8e Symphonie de Bruckner). Saison Beethoven, du 22 février 2020 au 2 janvier 2021 // www.dresdnerphilharmonie.de
Photo © Felix Broede
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