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Un ballo in maschera (version Gustavo III) au Grand Théâtre de Genève – A bas les masques – Compte-rendu
Pour illustrer cette rareté, Richter a fait appel à Giancarlo Del Monaco. Ce metteur en scène au métier solide ne propose pas de surprises d’un modernisme décoiffant. On s’agenouille beaucoup devant les puissants, on s’allonge moult fois, la main tendue en signe de respect ou de crainte ; on se place bien en symétrie, côté cour ou côté jardin. Le classicisme est de rigueur avec ce décor amovible de façades en bois. Le plateau reste souvent plongé dans une sombre nudité où trône un roc massif, le domaine d’Ulrica.
Signée Richard Peduzzi, cette ambiance sombre et fuligineuse respire son Patrice Chéreau, époque Lucio Silla. Le costumier Gian Maurizio Fercioni habille l’aristocratie suédoise d’un sobre 19ème siècle. Seul le bal du dernier acte affichera perruques blanches et costumes de soie noire. Des masques joliment individualisés, rendront glaçants le dernier tableau, lorsque le complot s’accomplit. Visuellement, ce Gustavo III est le type de production que l’on peut faire tourner sans faire exploser un budget…
Dans le camp des conjurés, les comtes Ribbing et Horn sont respectivement Günes Gürle et l’impressionnant Grigory Shkarupa, physique et timbre royaux. Le comte Anckarström est dévolu à Franco Vassallo. Ce milanais, parangon du baryton verdien, quoique chanté un peu trop premier degré, dispose d’un timbre noir dont la rage impressionne dans un imprécatoire « Eri tu che macchiavi quell’anima ». Amelia est la Russe Irina Churilova. Pourvue d’un medium onctueux et de graves affirmés, l’aigu est en revanche instable, parfois criard, brutalisant « Morro, ma prima in grazia ». Ulrica, une sorcière bienveillante comme les affectionne Verdi, vient aussi de l’est. Judit Kutasi offre de belles couleurs malgré un vibrato inquiétant dans le bas de la tessiture. À l’opposé, l’Oscar piquant de Kerstin Avemo impose ses jolies couleurs et des aigus souples, jamais agressifs. Ténor - roi, le vaillant Ramón Vargas reste à l’aise sur toute la tessiture, ne forçant pas les notes hautes, ne plastronnant jamais. Il livre une incarnation raffinée, solaire, de l’intéressant monarque partagé entre mansuétude et mélodrame.
Pour bonifier ce cast honnête, une direction plus intense aurait été nécessaire. Si l’orchestre de L’OSR et le chœur du Grand Théâtre sont impeccables, la direction de Pinchas Steinberg se contente d’illustrer, indifférente au drame. On attendait un acte II d’une densité autrement tragique, un acte III au lyrisme plus travaillé, sans quoi la partition où résonnent parfois des flonflons à la Offenbach, peine à décoller. Mânes de Solti et d’Abbado, vous qui rapprochez si justement l’orchestration du Ballo de celle de Don Carlo, où donc êtes-vous ?
Vincent Borel
Photo © Carole Parodi / GTG
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