La musique de Berlioz fait partie de l’ADN de l’Orchestre National de France et Emmanuel Krivine (photo), depuis ses années lyonnaises (1987-2000), a souvent dirigé les ouvrages du bouillant Hector. Rien d’étonnant donc à ce que l’ouverture de la saison de Radio France soit placée sous les auspices d'un compositeur dont 2019 commémore comme il se doit le 150^e anniversaire de la mort.
 

Marie-Nicole Lemieux © Denis Rouvre

Le Carnaval romain constitue une bonne entrée en matière pour mettre en valeur les forces d’un orchestre comme sa capacité à dégager la saveur de cette pièce haute en couleur. Outre une brillante exécution, le chef sait, au-delà de l’hyperbolisme et de la frénésie, attacher du prix à la subtilité des transitions et faire chanter les instruments (très beau solo de cor anglais de Laurent Decker !). Soliste des Nuits d’été, Marie-Nicole Lemieux, voix sombre et puissante, attentive la prosodie de Théophile Gautier, parvient à caractériser chaque mélodie avec ductilité, chaleur, suavité et profondeur, servie par un accompagnement de toute beauté qui laisse s’épanouir le chant – et le couve littéralement lors de la reprise en bis du Cimetière.
 
La Symphonie fantastique offre un théâtre d’instants contrastés que Krivine segmente parfois à l’excès tout en gardant à l’esprit la dimension onirique et l’impétuosité de l’imagination. A la pugnacité de la direction, un rien coupante dans les fins de phrases, répond le chatoiement des timbres d’un orchestre engagé porteur du message berliozien. Chaque pupitre se présente sous ses meilleurs atours : les bois dialoguent à qui-mieux-mieux avec des cuivres maîtrisés et des cordes fusionnelles. On peut préférer des versions historiquement informées ou plus exaltées, mais la hauteur de vue dont fait preuve le chef et sa connaissance du sujet ne manquent pas d’intérêt. Foule des grands jours et enthousiasme général.    
 
 
 Michel Le Naour

Paris, Auditorium de Radio France, 18 septembre 2019
 
Photo © Ph. Hurlin