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Esa-Pekka Salonen dirige l’Orchestre de Paris (Streaming) - Obsédant Sibelius - Compte-rendu
Pour commencer, une rareté : la Mort de Mélisande, tirée de la musique composée pour les représentations du Pelléas et Mélisande de Maeterlinck à Helsinki en 1905. S’il n’a jamais vraiment abordé l’opéra, Sibelius s’est souvent consacré, tout au long de sa carrière, à la musique de scène pour des pièces de Hofmannsthal, Strindberg ou Shakespeare (la sublime musique pour La Tempête, qui est l’un des testaments symphoniques du compositeur).
Dans la Mort de Mélisande se trouvent déjà quelques-uns de ces moments musicaux d’une grande puissance émotionnelle, juxtaposés en une esthétique de kaléidoscope qui sera celle des plus grands chefs-d’œuvre de Sibelius, dont la Septième Symphonie qui conclut justement ce programme de l’Orchestre de Paris. Dans cette déploration qui fait la part belle aux cordes, leur mouvement entrecoupé par le sombre glas des bois, la direction d’Esa-Pekka Salonen est presque trop retenue, ce qui vient rappeler que si le chef finlandais dirige ici dans son arbre généalogique, il n’est pas forcément dans son jardin secret, que sont plutôt les univers de Berg ou Schoenberg. À force de se méfier d’une expression trop vive des sentiments, il transforme la gravité en pesanteur.
La même remarque vaut pour la Sixième Symphonie, au moins dans ses moments lents. Cependant, la parfaite conduite mélodique de l’ensemble, le mouvement obsessionnel insufflé par le chef rendent cette interprétation passionnante, culminant dans un scherzo (poco vivace) et surtout un finale envoûtants.
Toute réserve s’efface avec la Septième Symphonie. Œuvre déroutante, d’un seul mouvement tout en métamorphoses continues, elle est ici sublimée par une lecture magistrale, qui littéralement domine toute la forme : chaque changement de tempo, quelle qu’en soit l’audace, trouve sa place dans le cheminement global de la partition. Plus rien de cette lourdeur des cordes notée dans les deux premières œuvres du programme ; au contraire, l’Orchestre de Paris sonne avec une fluidité parfaite, apporte des couleurs et un souffle irrépressible jusqu’à la dernière note, jusqu’au silence final qu’Esa-Pekka Salonen se donne le luxe d’éterniser dans la grande salle Pierre Boulez vide.
Jean-Guillaume Lebrun
Diffusion sur Radio Classique le 6 mars 2021.
Photo © – © Minna Hatinen – Finnish National Opera and Ballet
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