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« Wagnériens en concert » / Met Stars Live in Concert / Streaming - La prochaine fois, il y aura le public et l’orchestre ! – Compte-rendu
Ce samedi 8 mai, les stars du Met l’ont dit : nous voyons enfin la lumière au bout du tunnel, et il est permis d’espérer que, dès la saison prochaine, les concerts diffusés en live streaming reprendront sous leur forme habituelle, autrement dit dans une vraie salle avec un public et un orchestre. En attendant, on retrouve la formule « spécial confinement » élaborée cette année, mais avec un petit plus. Pas du côté des instruments, puisque le pianiste est seul, comme les fois précédentes ; mieux encore, Craig Terry a la lourde tâche – dont il s’acquitte avec un certain panache – de se substituer à l’immense orchestre wagnérien et straussien, Peter Gelb ayant décidé d’offrir aux fidèles un aperçu du répertoire allemand à l’affiche au Met. Et au lieu d’en charger un seul soliste vocal, ou même un duo (on se rappelle Sandra Radvanosvky et Piotr Beczała dans un concert Verdi/vérisme (1)), ce sont quatre chanteurs qui nous sont proposés cette fois, d’où un enrichissement des possibilités de théâtralisation et d’exploitation du cadre. Avec son escalier de marbre et de fer forgé, le foyer néo-baroque du Hessisches Staatstheater de Wiesbaden permet de faire entrer les artistes à différents endroits, et c’est bien du haut d’un balcon qu’Elsa accueille les doléances d’Ortrud, par exemple.
Le programme d’un concert Wagner-Richard Strauss inclut inévitablement quelques pages célébrissimes, parmi les rares « numéros » détachables qui subsistent dans des partitions durchkomponiert (romance à l’étoile de Tannhäuser, chant du printemps de La Walkyrie), mais aussi quelques monologues plus rarement extraits de leur contexte (la première description du Walhalla dans L’Or du Rhin, « Nur eine Waffe taugt » au troisième acte de Parsifal). Et c’est l’occasion d’aborder les Wesendonck Lieder en les répartissant entre soprano, ténor et basse, ce qui est loin d’être monnaie courante.
Craig Terry © DR
Parmi les quatre voix, deux sont germaniques. Connu pour son endurance, le ténor Andreas Schager offre, dans le premier monologue de Siegmund, ces « Wälse » interminables que l’on attend de lui, avant d’évoquer le printemps ave éloquence, mais il sait se transformer en liedersänger pour « Stehe still ! » et interpréter avec délicatesse les vers de Mathilde Wesendonck. Wolfram est un rôle que Michael Volle n’a sans doute plus chanté depuis un certain temps, et sa voix désormais habituée à s’exprimer avec toute l’autorité de Wotan ou de Hans Sachs est ici contrainte de susurrer ; on trouvera le baryton bien plus dans son élément avec le duo du Vaisseau fantôme, par exemple, mais quelle coquetterie le pousse à changer trois fois de gilet (et de pochette assortie) alors que ses partenaires s’en tiennent à une seule tenue ?
Exceptionnellement, l’artiste appelé à présenter le concert depuis les studios à New York est le contre-ténor Anthony Roth Costanzo, qui avoue ne guère fréquenter le répertoire wagnérien (même s’il pourrait être « un fameux Oiseau dans Siegfried », lance-t-il en plaisantant). En effet, l’hôtesse habituelle, Christine Goerke, est cette fois de l’autre côté des caméras. On sent que cette grande voix a besoin de temps pour s’échauffer et d’œuvres à sa mesure pour s’épanouir : si la soprano semble marcher sur des œufs dans « Allerseelen », « Cäcilie » du même Richard Strauss lui convient déjà mieux, même si le vibrato n’est pas encore tout à fait maîtrisé. « Schmerzen » des Wesendonck Lieder la montre bien plus à son aise, et si elle est une Sieglinde déjà un peu trop Brünnhilde, on l’admire sans réserve en Ortrud, où elle révèle des réserves impressionnantes dans le grave de la tessiture.
Après avoir ouvert le concert en saluant le foyer du théâtre dans un « Dich, teure halle » plein de douceur enthousiaste, pour passer à la douleur retenue avec les deux plus tristanesques des Wesendonck Lieder, Elza van den Heever donne jusqu’au bout l’impression que chanter Wagner est la chose la plus facile qui soit. Senta angélique, Elsa bouleversante, la soprano sud-africaine ravit à chacune de ses interventions. Elle aurait dû ce printemps être à New York l’Impératrice de La Femme sans ombre, aux côtés de Michael Volle en Barak, et c’est le quatuor final de cet opéra qui conclut le concert, message de confiance en l’avenir on ne peut plus approprié.
Laurent Bury
Diffusé en direct de Wiesbaden (Hessiches Staatstheater) le 8 mai 2021 ; disponible en replay (payant) jusqu’au 21 mai :
metstarslive.brightcove-services.com/events/6170923977001
Photo © DR
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