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Pelléas et Mélisande au festival Opéra des Landes (Soustons) – Le piano des aveugles – Compte-rendu
Pour sa vingtième édition, le festival Opéra des Landes affiche deux œuvres qui, soucis de jauge obligent, devaient être données dans le parc de la Pandelle, devant la même bâtisse qui avait servi de décor l’an dernier à L’Elisir d’amore. Hélas, les intempéries et le vent qui se sont abattus depuis plus d’une semaine sur la région ont obligé le premier des deux spectacles à l’affiche à se replier vers la salle Roger Hanin où se déroulaient les représentations des précédentes années. Heureusement, la production de Pelléas et Mélisande a pu être adaptée à ces conditions imprévues et on peut supposer que, malgré une perte inévitable, le spectacle a conservé sa force.
© Opéra des Landes
Pour sa mise en scène, Olivier Tousis a en effet eu l’habileté suprême d’éviter tous les écueils que l’œuvre peut présenter, grâce à la distance qu’il crée entre le public et les personnages (un tulle est tendu devant tout le cadre de scène, qui permettra des effets d’ombres chinoises dans la scène des souterrains), mais surtout entre les personnages eux-mêmes : ainsi transposés, les moments d’intimité ou de violence conservent leur caractère théâtral au lieu de basculer dans un naturalisme ridicule et tout à fait déplacé dans un drame symboliste. Rien de littéral dans ce spectacle, où les cheveux de Mélisande ne sont pas « plus longs que ses bras », mais où la poésie trouve son compte. L’œuvre étant accompagnée par une seule pianiste (compliments à Nathalie Dang, qui a la lourde tâche de recréer toutes les couleurs de l’orchestre debussyste dans les tempos souvent très rapides qu'adopte le chef Philippe Forget), une soudaine lumière bleue suffit à transformer par magie le piano à queue privé de son couvercle en Fontaine des Aveugles, où Mélisande promène ses mains et joue avec l’anneau de Golaud. Dans le décor réduit à l’essentiel – un trône pour Arkel, un prie-dieu pour l’acte IV – où les accessoires sont rares, à part l’épée de Golaud, les costumes renvoient à ce Moyen Âge flou que voulait Maeterlinck, dans un camaïeu de bistres et de bruns, Mélisande étant la seule à avoir droit au blanc éclatant, couleurs et formes qui pourraient aussi bien être celles d’un univers futuriste. L’action s’y déroule avec une totale fluidité, sans aucune interruption entre les trois premiers actes, certains des protagonistes restant sur le plateau pendant les interludes pour mieux reparaître à la scène suivante.
Manon Lamaison (Mélisande) © Amandine Auriol
Vocalement, la distribution repose sur plusieurs prises de rôle, mais inclut aussi quelques familiers de leur personnage. Thomas Dear a bien le timbre de basse que l’on attend dans Arkel, qu’il a chanté à l’Opéra-Comique ; on ne lui reprochera qu’une tendance à donner presque trop de voix, alors qu’il n’a a surmonter que le son d’un piano et non d’une fosse d’orchestre pleine. Golaud n’a plus guère de secrets pour Laurent Alvaro, qui le connaît à fond pour l’avoir interprété dans de nombreux théâtres, notamment à Malmö aux côtés de Marc Mauillon dans la mise en scène de Benjamin Lazar ; on se réjouit une fois encore de voir un Golaud tout pétri d’humanité, qui n’a rien de la brute rugissante que l’on nous montre parfois dès ses premières apparitions, un Golaud manifestement séduit par la beauté de Mélisande, amoureux de sa jeune épouse, un Golaud tendre dont, à défaut de les pardonner, on comprend les moments de brutalité.
Première, en revanche, pour Faustine Egiziano, qui n’a pas vingt ans et qui se glisse sans peine dans l’esprit d’Yniold, avec toute la fraîcheur vocale de l’enfant qu’elle doit être ici. Première aussi pour Nathalie Espallier, dont la Geneviève est étonnamment combattive, loin des brus soumises auxquelles on est habitué. Première encore pour Manon Lamaison, Mélisande « d’une grande innocence », au soprano clair mais non dépourvu de chair, y compris dans les notes les plus graves, et à la diction irréprochable. Prise de rôle tout aussi réussie pour Frédéric Cornille (photo), qui a su s’approprier les différentes dimensions du personnage, ardeur amoureuse et aigus exigeants ; ce premier Pelléas ne devrait pas être son dernier.
Laurent Bury
Debussy : Pelléas et Mélisande — 14 juillet ; prochaines représentations les 16 et 18 juillet 2021 / L’autre spectacle proposé cette année par Opéra des Landes est Monsieur Choufleuri d’Offenbach, les 20, 23 et 25 juillet 2021// www.opera-des-landes.com/
Photo © DR
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