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Les Troyens à Carthage sous la direction de François-Xavier Roth au Festival Berlioz 2021 – Luxe, guerre et volupté –Compte-rendu
Tout d’abord, François-Xavier Roth (photo), à la tête du « Jeune Orchestre Européen Hector Berlioz - Isère » (formation associant quelques instrumentistes chevronnés de l’orchestre Les Siècles à de futurs professionnels issus de tout le continent) et du Chœur de l’Orchestre de Paris, associé cette fois au Chœur du Forum National de la Musique de Wroclaw (respectivement préparés par Lionel Sow et Agnieszka Franków-Żelazny). Assumant l’éclat guerrier des marches dont la partition est émaillée, le chef sait aussi ménager des moments de grâce et ciseler les plus délicats ensembles, prodiguant les couleurs savoureuses et respectant les contrastes voulus par le compositeur : final électrisant pour le premier acte, superbe « Chasse royale », ballet aux caractères bien distincts, avec de très pittoresques Nubiennes.
© Bruno Moussier
Cette version coupée en deux parties permet, chose fort rare, d’entendre l’introduction prévue par Berlioz en guise de « rappel des épisodes précédents » : après une ouverture pompeuse reprenant la mélodie du duo Cassandre-Chorèbe, un rapsode – rôle parlé, ici confié à Eric Génovèse, familier du genre – résume les événements et, surtout, introduit l’exécution avec chœur de la marche accompagnant l’entrée du cheval dans Troie, rappel indispensable tant ce morceau revient fréquemment dans « Les Troyens à Carthage ».
Isabelle Druet © Antoine Saba
Quant aux solistes réunis pour l’occasion, ils sont eux aussi, dans leur quasi-totalité, dignes des plus hautes louanges. Après avoir réussi Cassandre en 2019, Isabelle Druet revient en Didon : vêtue d’une somptueuse robe verte, elle est la reine de Carthage (c’est à peine si elle jette un œil de temps à autre à sa partition), mais une Didon qui n’a rien de marmoréen. Loin de la noblesse imposante au drapé figé, cette reine-ci a d’abord la majesté souriante, voire coquette ensuite, avant d’afficher le masque tragique qui s’impose. Si la mezzo n’a pas toujours l’ampleur qu’offrirait un grand soprano dramatique, elle offre en revanche ce que pratiquement aucune titulaire actuelle n’avait pu proposer : une diction superlative, une déclamation constamment investie qui donne un sens à chaque mot et qui montre ce que « chanter français » veut dire. Dommage que Delphine Haidan, Anna à l’articulation trop souvent floue, et aux graves sourds ou excessivement appuyés, ne puisse s’élever aux mêmes sommets. Succédant à Eléonore Pancrazi, Ascagne en 2019, Héloïse Mas montre, elle, dans les quelques phrases qu’elle a à chanter en solo, la même éloquence qu’Isabelle Druet.
Mirko Roschkowski © Bruno Moussier
Du côté des messieurs, Mirko Roschkowski confirme l’excellente surprise qu’il avait pu être dans « La prise de Troie » : non content de s’exprimer dans un français limpide, le ténor allemand est confondant par la suavité de son expression, d’une douceur extrême dans tous les moments amoureux, mais dévoile l’aisance et la puissance de ses aigus chaque fois que Berlioz l’exige. Un superbe Enée comme il n’en existe pas tant aujourd’hui. Dans la même tessiture, Julien Dran et François Rougier redoublent de raffinement pour leurs airs respectifs. Chez les voix graves, Vincent Le Texier prend sa revanche après n’avoir été « que » Priam en 2019 : il campe un Narbal très en voix et plein d’autorité. Chemin inverse pour Thomas Dolié qui, après le rôle plus gratifiant de Chorèbe il y a deux ans, n’est plus cette fois que sentinelle, mais avec la truculence dont il est capable dans les personnages comiques. Damien Pass lui donne une réplique tout à fait adéquate et lance de fougueux appels en Mercure. François Lis est lui aussi sans reproche en Panthée.
Au chapitre « Inutiles regrets », aucune radio n’a apparemment jugé bon d’enregistrer ce concert, qui n’en survivra pas moins dans la mémoire de ceux qui ont eu le privilège d’y assister.
Laurent Bury
Photo © Marc Allen
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