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Manon en version de concert à Lyon (reprise à Paris - TCE, le 15 septembre) – Résoudre l’énigme du sphinx – Compte-rendu

Si Musset qualifiait de « Sphinx étonnant » le personnage inventé par l’abbé Prévôt, on pourrait en dire autant de Manon, la partition de Massenet, qui entrelace moments de romantisme échevelé et pastiche néo-XVIIIe siècle, entre autres ingrédients. Poursuivant un cycle entamé l’an dernier avec la version pour baryton de Werther, l’Opéra de Lyon propose cette fois un autre titre des plus célèbres, entre les multiples facettes duquel il est bien délicat de trouver un équilibre. Daniele Rustioni aime la musique de Massenet, l’énergie bondissante avec laquelle il la défend à la tête des musiciens de l’orchestre de l’Opéra de Lyon ne permet pas d’en douter, mais par cette fougue même qu’il déploie, on peut le croire plus sensible aux déchaînements de passion amoureuse qu’à d’autres éléments pourtant bien présents dans l’œuvre.
Ainsi s’expliquent peut-être un certain nombre de coupures pratiquées dans la partition : ceux qui espéraient de ce concert une véritable intégrale en seront pour leurs frais, et pas seulement avec les amputations « traditionnelles » comme celle de la majeure partie du ballet (pourtant savoureux, où Massenet tente d’imiter Lully et Rameau) ou, plus curieusement, d’un passage aussi exquis et bref que « La charmante promenade » du trio Javotte-Poussette-Rosette au tableau du Cours-la-Reine. C’est un peu la légèreté du côté opéra-comique qui passe au second plan dans cette lecture ardente, et l’acoustique assez floue de l’Auditorium de Lyon n’aide pas non plus : le valeureux chœur de l’Opéra de Lyon, masqué et placé derrière les instrumentistes, a bien du mérite d’arriver à se faire comprendre dans ces conditions.

Saimir Pirgu © Paul Scala

Après deux remplacements tardifs concernant des rôles essentiels, la distribution vocale n’en est pas moins à la hauteur des exigences de l’œuvre. Seul non-francophone, Saimir Pirgu n’a évidemment pas le naturel de tous les autres, mais son français chanté et même parlé s’avère correct, même si les nasales et les e/é/è sont à revoir. Là où l’on a parfois affaire à des titulaires que Saint-Sulpice met en difficulté, rien de tel pour le ténor albanais, qui s’épanouit au contraire dans ce tableau, son chant musclé trouvant à s’y employer à bon escient ; auparavant, il lui faut beaucoup user de la voix de tête pour alléger son émission, ce qu’il fait avec une certaine habileté, il faut le reconnaître.
 

Daniele Rustioni © Blandine Soulage

Face à lui, Vannina Santoni (photo) livre une prestation tout à fait éblouissante. Phrasé remarquable, beauté du timbre, engagement de l’incarnation, tout est là pour offrir une grande Manon, et l’on rêverait d’entendre la soprano dans bien d’autres titres du répertoire français. Arrivé en dernière minute, Jean-Sébastien Bou campe un Lescaut irrésistible, vocalement souverain et théâtralement admirable de désinvolture désabusée. Eric Huchet est un Guillot irréprochable, en pleine possession de ses moyens ; il joue tellement son personnage qu’il suscite à de nombreuses reprises les éclats de rire du public. Philippe Estèphe met au service de Brétigny tout le mordant qu’on lui connaît, et Nicolas Testé est un vrai luxe en comte des Grieux. Margot Genet, Amandine Ammirati et Clémence Poussin forment un trio charmeur, et c’est du chœur que proviennent tous les rôles accessoires, fort bien tenus.

Cette très convaincante version de concert devrait trouver au Théâtre des Champs-Elysées un écrin idéal, ce mercredi 15 septembre. 

Laurent Bury

Massenet : Manon (version de concert) – Lyon, Auditorium, 12 septembre 2021 ; reprise à Paris, Théâtre des Champs-Elysées, le 15 septembre 2021 // www.theatrechampselysees.fr/saison/opera-en-concert-et-oratorio/manon
 
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