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Les 12 Etudes d’exécution transcendante de Liapounov par Florian Noack / Le Disque de la Semaine – Une éblouissante rareté – Compte-rendu

 

Rarissimes tant au disque qu’en concert, les 12 Etudes d’exécution transcendante de Liapounov ne sont pas pour surprendre sous les doigts de Florian Noack.(1) Il est l’un des pianistes les plus découvreurs de la nouvelle génération et, depuis son apparition sur la scène musicale il y a une douzaine d’années, émerveille par son inépuisable curiosité envers ce que Vladimir Jankélévitch qualifiait de « trésors abandonnés dans la nuit de la méconnaissance ». Regarder au-delà de Bach, Mozart, Beethoven, Schubert, Chopin, Liszt, Ravel, Debussy et quelques autres éternels réinvités des programmes de récital n’est pas seulement une possibilité pour le jeune artiste belge, mais une nécessité absolue. Elle ne fait qu'enrichir son approche des illustres auteurs précités, chez lesquels il n’excelle pas moins.  
 
© Green Rooms Creatives - Gerrit Schreurs
 
Etude d'exécution transcendante n° 2 "Ronde des fantômes" (ext.)
 
Les compositeurs russes l’ont toujours attiré et c’est assez naturellement qu’il s’est tourné vers une séduisante figure du post-romantisme musical : Serge Liapounov (1859-1924), allant jusqu’à se lancer dans une intégrale de sa production pour clavier. Après deux premiers volumes (2), remarquables, Noack poursuit son entreprise avec le recueil majeur de Liapounov : les 12 Etudes d’exécution transcendante (1897-1905)
Une vieille connaissance pour un interprète qui dès l’adolescence s’est pris de passion pour ce cahier et n’a cessé de l’explorer avant d’oser l’affronter – le défi est de taille ! – pour la première fois en concert en 2016 au Festival Radio France Montpellier.(3) Depuis, il a eu plus d’une fois eu l’occasion de revenir aux Etudes, dans leur intégralité ou sous forme de bouquet, mûrissant une interprétation désormais fixée par les micros : on tient la grande version moderne de ces pages !
 
Serge Liapounov - Musica Mai 1907 (p. 70) © Coll. part.
 
Etude d'exécution transcendante n° 6 "Tempête" (ext.)
 
Elégie en mémoire de François Liszt : le titre de la 12Etude en mi mineur souligne la dette, ouvertement assumée, de Liapounov envers un devancier dont il a médité l’exemple et les révolutionnaires conquêtes techniques. Reste que les Etudes du Russe possèdent une couleur personnelle, très marquée par le folklore. Dimension qui réussit particulièrement à Noack (auteur il y a trois ans d’un très bel « Album du voyageur » / La Dolce Volta).
Les férus de répertoires rares se précipiteront sur ses Etudes de Liapounov évidemment, mais les simples curieux feront aussi leur miel de ce qui constitue désormais l’une des meilleures, si ce n'est la meilleure introduction à l’univers pianistique du compositeur russe. Tel un poisson dans l’eau, Noack domine de bout en bout ce redoutable recueil avec une aisance confondante. Pas une dureté, une crispation, pas la moindre sensation d’effort face à la difficulté ; la performance technique ne prend jamais le pas sur l'aspect musical et poétique. L’étreignante poésie de la Berceuse initiale charme l’oreille et l’embarque dans un univers contrasté, débordant de couleurs et d’images à la manière d’un vieux conte russe, dont Noack restitue le foisonnement avec une science du clavier proprement sidérante. Laissez-vous porter ...
 
Etude d'exécution transcendante n° 9 "Harpes éoliennes" (ext.)
 
Une aussi belle réussite ne pourra qu’inciter à aller retrouver l’artiste en concert, avec l’Orchestre national d’Île-de-France (dirigé par Eugène Tzigane) dans le 3Concerto de Prokofiev (19/11 – Le Vésinet ; 20/11 – Rueil-Malmaison ; 21/11 – Villejuif ; 22/11-Paris – Cité de la musique) (4), puis au 12Festival L’Esprit du Piano à Bordeaux (5), le 29 novembre (Théâtre Fémina), dans un programme Schubert (Sonate D.571/D. 570), Liapounov (Etudes nos 1, 3, 10 & 11) et Chopin (Préludes op. 28)
 
Alain Cochard
© Green Rooms Creatives - Gerrit Schreurs
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