Spectacle « Jeune Public », la production du Petit Chaperon rouge selon Georges Aperghis, compositeur qu’il n’est plus besoin de présenter (né en 1945, d’origine grecque mais vivant à Paris), enthousiasme les nombreux enfants lors de sa première à l’Amphithéâtre de l’Opéra Bastille ; de la part du public le plus exigeant qui soit, dans un silence de recueillement ponctué de rires de circonstance et un accueil trépidant. Confirmation d’une réalisation en tous points avenante et d’une perfection de chaque instant.
 
Cette production revient pourtant de loin, quand on sait qu’elle avait été programmée en ces lieux fin mars 2020, reportée en décembre 2020, les deux fois entièrement répétée puis annulée la veille des premières, pour les raisons que l’on sait. Elle avait été créée néanmoins à la mi-mars 2020 à Vesoul, elle a été reprise il y a peu à Rennes, avant enfin son retour à sa destination parisienne. On sait qu’Aperghis avait conçu la pièce à partir d’une commande de la Philharmonie de Cologne, créée en allemand (Rotkäppchen) par l’ensemble Reflex dans cette même ville en 2001. Par la suite, elle sera reprise dans cette production d’origine due à Marcus Gammel et Aperghis lui-même, en particulier à l’Opéra-Comique en 2010.

Anna Swieton © Yves Petit - OnP

Pour ce « théâtre musical tout public pour enfants et six instrumentistes », Aperghis est revenu fidèlement à la version originale du conte de Charles Perrault (en 1697) où le Chaperon rouge et sa Mère-Grand finissent toutes deux croquées par le loup. Au rebours des ultérieures versions édulcorées, notamment des frères Grimm, où d’opportuns chasseurs sauvent les deux héroïnes du méchant loup. Le texte est ainsi donné intégralement, y compris sa moralité finale appelant les jeunes filles à se méfier des loups de toutes sortes, à la charge d’interprètes invités « à jouer de leurs instruments, de leurs voix, de leurs corps, passant sans cesse d’un rôle à l’autre ».
 
En collaboration avec l’Académie de l’Opéra de Paris, la réalisation à la Bastille revient à Charlotte Nessi et l’Ensemble Justiniana, avec l’appoint de la chorégraphie de Dominique Boivin, de la scénographie et des lumières de Gérard Champlon, des costumes de Laurianne Scimemi del Francia, dans la plus parfaite des adéquations. Quelques tables de cabaret, un rideau (rouge !) de fond de scène s’ouvrant et se refermant, des tenues de fracs noirs pour les messieurs, un tutu rouge pour l’héroïne chaperonnée (Anna Swieton, par ailleurs violoniste), des mouvements virevoltants et, surtout, une précision d’acteurs irrésistible : et le tour est joué pour une heure de transmission directe autant que palpitante.
 
La musique d’Aperghis intervient en illustration, presque en fond sonore, parcellaire et pointilliste. Et c’est ainsi que son langage, atonal, ne déroute ni n’effraye en rien la jeune assistance. Préparés par Richard Dubelski, collaborateur de longue date d’Aperghis, les clarinettistes Carjez Gerretsen et Éric Lamberger, le saxophoniste Patrick Ingueneau, Pierre Chalmeau et Teddy Gauliat-Pitoist devant leurs pianos droits, ainsi qu’Anna Swieton au violon, s’épanchent hardiment entre leurs répliques parlées, associées à celles bien lancées par les comédiens Axel Delignières et Arthur Goudal (narrateur principal et impayable Loup). De quoi ravir petits et grands.
 
Pierre-René Serna
 
Georges Aperghis : Le Petit Chaperon rouge –Paris, Opéra Bastille (Amphithéâtre) ; 22 novembre ; prochaines représentations : tout public, 24 (15 h), 26 (20 h), 27 (15 h et 20 h) ; scolaires, 25 et 26 (14 h) novembre 2021. Reprise à l’Opéra de Dijon le 8 décembre 2021.
 
www.operadeparis.fr/saison-21-22/jeune-public/le-petit-chaperon-rouge
 
opera-dijon.fr/fr/au-programme/calendrier/saison-21-22/le-petit-chaperon-rouge/
 
Photo © Yves Petit