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Pierre Hantaï réunit Händel et Scarlatti – Au sommet de son art – Compte-rendu
Pierre Hantaï a choisi de réunir Domenico Scarlatti et Georg Friedrich Händel, et le résultat est un disque flamboyant qui vient de sortir chez Mirare. Le premier à avoir eu l’idée de cette rencontre est ... le cardinal et mécène Pietro Ottoboni. C’était en 1709, à Rome. Une joute musicale entrée dans la légende ...
Des deux compositeurs, alors âgés tous les deux de 24 ans, Scarlatti fut jugé supérieur au clavecin et Händel l'emporta à l'orgue. Mais grâce au cardinal, les deux hommes étaient devenus amis. Ce que confirme John Mainwaring dans « Mémoires de la vie de feu George Frederic Händel », paru en 1760 (un an après son décès) : « Händel parlait souvent de cette personne (Scarlatti) avec une grande satisfaction ; car outre ses grands talents d'artiste, il avait le tempérament le plus doux et le comportement le plus affable….Scarlatti, qui était admiré pour son jeu, mentionnait Händel et se signait en signe de vénération ».
Sans prétendre faire revivre cette rencontre musicale au sommet (on ignore ce qui fut joué ce jour-là), ce disque met en lumière deux personnalités que tout semble opposer. La carrière comme la musique. Bien qu’exacts contemporains, « le discret Scarlatti », comme le qualifie Pierre Hantaï et Händel font entendre un clavecin totalement différent. L’imagination sans limite et le sens du contraste de Scarlatti tranchent avec un Händel plus respectueux des formes et presque sage. C’est pourtant le même instrument et il faut tout l’art du toucher et la sensibilité d’ Hantaï pour nous offrir une palette sonore aussi diversifiée. Sous ses doigts, le clavecin est tour à tour intime, exubérant, sensuel ou plein de panache. Toutes les ressources d’un superbe Jonte Knif de 2004 (conçu d’après des modèles allemands du XVIIIe siècle) sont d’ailleurs ici magnifiées par une prise de son justement équilibrée.
Le disque s’ouvre par un feu d’artifice haendélien avec une transcription réalisée par Pierre Hantaï lui-même de l’ouverture de l’opéra « Il pastor fido » (version 1712). Le séjour en Italie n’est pas si loin, mais c’est une majestueuse ouverture à la française qui introduit une suite en cinq mouvements. Le jeu cantabile met en évidence l’élégance et l’expressivité de chaque pièce.
Avec les trois sonates de Scarlatti qui suivent (K. 147, K. 24 et K. 429), l’inspiration est plus fantasque ; chaque pièce est une miniature finement ciselée.
Händel est retour avec la 5e Suite en mi majeur HWV 430, célèbre pour ses variations conclusives sur « L’Harmonieux Forgeron ». Pierre Hantaï réussit – ce qui n’est pas rien – à renouveler le plaisir d’écouter une pièce pourtant gravée des centaines de fois, au clavecin, au piano, à la harpe - et même par un ensemble de saxophones !
Quatre Scarlatti (K.443, K. 12, K. 546 et K. 16) referme le récital : une nouvelle fois, l’imagination du compositeur italien « solitaire et différent des autres », comme aime à le souligner le claveciniste, apparaît sans limite.
Dans deux répertoires bien différents et complémentaires, Pierre Hantaï, plus que jamais au sommet de son art, partage ses deux passions avec générosité. Voilà qui ne pourra qu'attiser l’envie de retrouver l’interprète le 3 décembre à Paris, pour un récital au profit du « projet Issoudun 1648-2023 »(2) destiné à faire construire un instrument restituant dans son premier état musical le clavecin Jean II Denis conservé au Musée de l’Hospice Saint-Roch d’Issoudun.
Thierry Geffrotin
(1) MIRARE MIR560
(2) www.clavecin-en-france.org/spip.php?article409
3 décembre 2021 – 19h30
Paris – Temple du Foyer de l’Âme (7 bis rue du pasteur Wagner, 75011 - Paris).
www.clavecin-en-france.org/spip.php?article426
« Kuijken et Hantaï »
19 janvier 2022 – 20h30
Paris - Salle Cortot
www.sallecortot.com/concert/kuijken__hantai.htm?idr=33069
Photo © Jean-Baptiste Millot
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