Journal
La Maîtrise Notre-Dame de Paris à Saint-Eustache – En terre d’élection – Compte-rendu
Henri Chalet et la Maîtrise Notre-Dame de Paris © Olivier de Serres
Qu'à cela ne tienne, la Maîtrise et Henri Chalet, son directeur et chef de chœur principal, ont maintenu le Requiem de Fauré et l'ont fait précéder – conservant ainsi une même source d'inspiration qu'avec Stravinski – des Trois Psaumes d'Yves Castagnet, lequel accompagnait l'ensemble du programme à la console de nef du grand orgue van den Heuvel. Composés en 1996 pour les deux premiers et 2011 pour le dernier (3), destinés tant à la liturgie qu'au concert et désormais solidement inscrits au répertoire de la Maîtrise, ils étaient interprétés par le Chœur d'adultes de la Maîtrise : Psaume 26 pour voix d'hommes (procédant en partie de manière antiphonaire, barytons-basses/ténors) sur un accompagnement mouvant et enveloppant ; Psaume 18 pour voix de femmes, sur des vagues de lumière, tel un mouvement perpétuel à l'orgue, entrecoupées de plages suspendues ; Psaume 115 pour voix mixtes, soit les trente-cinq chanteurs réunis, l'intégralité des versets (contrairement aux deux premiers Psaumes qui ne traitent que ceux d'introduction) alternant puissance affirmée, douleur et déchirement, dans une mouvance néanmoins purement française, toute de retenue.
Les mêmes interprètes, rejoints par le Jeune Ensemble et le Chœur d'enfants, dirigé par Émilie Fleury, étaient à l'œuvre pour le Requiem de Fauré. Contrairement à Duruflé et son Opus 9, Fauré n'a pas laissé pour son Opus 48 sa propre réduction pour orgue des parties instrumentales. Cette partie d'orgue est chaque fois réalisée (ou empruntée ailleurs). Pour ce concert, Yves Castagnet a entièrement revisité sa propre version sur la base des différentes étapes instrumentales du Requiem (entre 1887 et 1901), proposant ainsi une version « définitive » qui associe, dans l'équilibre, une indispensable modération et une réelle efficacité. Une version qui, éditée, pourra(it) rendre de grands services aux autres organistes.
Pour ce qui est du latin, un choix intermédiaire judicieux fut trouvé : prononciation certes à la romaine mais faiblement accentuée, confortée par une ample et souple palette dynamique. La Maîtrise étant avant tout une école de chant, des impératifs pédagogiques entrent en ligne de compte dans l'attribution des prestations solistes tout au long de la saison de concerts. Raison pour laquelle le Pie Jesu s'est trouvé confié à une soprano, aussi convaincante que remarquable de ligne, pure et émouvante, et d'intensité, et non parce qu'aucun des garçons sopranos de la Maîtrise ne serait en capacité de s'acquitter de cette partie soliste, jeunesse et fraîcheur de l'interprète, à sa manière, ayant préservé l'aura du timbre de garçon soprano qui plane sur ce Pie Jesu depuis sa création par le jeune Louis Aubert. Le baryton en charge de l'Hostias et du Libera me fit également forte impression : tempérament, présence (lyrique, presque opératique) et projection vocales formidablement assurés. L'ensemble des pupitres, si pleinement aguerris et d'une discipline qui jamais n'écrase mais autorise une toujours souple musicalité, se révéla sans faillir à la hauteur du défi d'une telle œuvre, qui exige autant de spontanéité et de « naturelle » légèreté que de puissance et de sobre intensité dramatique – la lumineuse entrée des enfants dans le Sanctus reste un pur moment de grâce, auquel répondent les voix d'hommes dans la plus bienveillante harmonie. Toujours changeante au fil des ans, la Maîtrise en continuel renouvellement témoigne d'une homogénéité, d'une unicité de ton et d'esprit qui défient le temps.
Michel Roubinet
Paris, église Saint-Eustache, 23 novembre 2021
musique-sacree-notredamedeparis.fr/la-maitrise-notre-dame-de-paris/
Prochains concerts parisiens de la Maîtrise les 7 et 14 décembre à Saint-Sulpice
musique-sacree-notredamedeparis.fr/categorie/concert/concerts-2021/?mm=12
(1) Fabrice Gregorutti
www.fabricegregorutti.com
(2) Ce concert du 1er février 2011 – Stravinski puis Fauré – est librement proposé à la réécoute sur le site du CNSMDP
www.conservatoiredeparis.fr/fr/medias/audio/concert-cathedrale-notre-dame-de-paris
(3) Publiés par Symétrie, comme les autres œuvres d'Yves Castagnet, ces Trois Psaumes ont été enregistrés par Henri Chalet à la tête de la Maîtrise de Saint-Christophe de Javel, Studio SM / Bayard Musique, 2011, cependant que sa Messe « Salve Regina » l'avait été dès 2007 à Notre-Dame sous la direction de Lionel Sow, Hortus 056.
symetrie.com/fr/auteurs/yves.castagnet
symetrie.com/fr/titres/trois-psaumes
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