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« Orfeo 5063 » d’après Monteverdi, par Les Paladins, à Saint-Quentin en Yvelines – Vers un écopéra ? – Compte rendu
© Guillaume Marmin
Pourquoi « Orfeo 5063 » ? Comme Amphytrion 38 ou Ulysse 31 ? Pas du tout, ou alors un peu des deux. Cette nouvelle variation sur le mythe d’Orphée fait se rejoindre le XVIe siècle du compositeur et la modernité du drone qui a filmé les images projetées sur grand écran, derrière les musiciens, le plateau n’étant occupé que par quelques colonnes LED et par les fumigènes ; « 5063 Monteverdi » étant le nom d’un astéroïde découvert en 1989, les vidéos de Guillaume Marmin partent, elles, à la découverte de notre planète en écho au parcours d’Orphée qui, dans l’opéra, dit adieu à la Terre pour se diriger vers les Enfers. Les paysages survolés par le drone prennent très vite la beauté abstraite de peintures quasi monochromes – blancheur des glaciers, ocre des déserts – ou le poudroiement énigmatique de l’art aborigène. L’humain apparaît bientôt sous la forme de ses créations artistiques, résumées en quatre étapes : la grotte de Lascaux, les fresques médiévales de l’église d’Asnières-sur-Vègre, la sculpture classique et les statues sous-marines de Jason deCaires Taylor à Lanzarote. Le rythme lent de la projection accompagne la musique de Monteverdi sans jamais troubler l’écoute, sans empêcher l’œil de suivre les déambulations des chanteurs sur scène. Rien d’illustratif dans la démarche du vidéaste, juste une série d’équivalences qui intensifient l’expérience auditive, comme un opéra où notre environnement tiendrait le rôle principal.
Jérôme Corréas © Florent Drillon
Musicalement, Jérôme Corréas a réalisé une mosaïque de pages glanées à travers toute la production de Monteverdi, un peu d’Orfeo, bien sûr, un soupçon de Couronnement de Poppée, mais aussi beaucoup de madrigaux, et quelques fragments des Vêpres de la Vierge, et même deux emprunts à ses contemporains Rossi et Merula. Puristes s’abstenir : le chef s’est autorisé quelques aménagements pour faciliter les transitions (avec quelques sons électroniques ici et là), il a joué avec les tessitures, notamment pour les extraits du Magnificat éclatés entre plusieurs voix. La dizaine d’instrumentistes se charge de varier les couleurs, les pages de Monteverdi étant elles-mêmes assez diverses pour que l’attention soit toujours relancée, alors même que l’absence de tout surtitrage dispense le spectateur de chercher à comprendre le sens du texte.
Pour autant, le chant est chargé d’une véritable théâtralité, et les six solistes n’hésitent pas à s’investir dramatiquement dans leurs prestations en ensemble ou en solo. Rien de désincarné chez les sopranos Jehanne Amzal et Anne-Sophie Honoré, réunies notamment pour un « Pur ti miro » plein de sensualité, et dont les voix ne reculent pas devant le recours au vibrato ; le Lamento della ninfa est déclamé par la seconde avec une vigueur et une liberté rythmique qui forcent l’admiration. La Musica d’Orfeo est rarement confiée à un contre-ténor mais Jean-François Lombard y manifeste une belle maîtrise du phrasé, faisant ressortir certains mots avec beaucoup d’habileté (son « Oblivion soave » peut en revanche paraître un peu distant). Les ténors Jordan Mouaissia et Antonin Rondepierre s’imposent eux aussi par leur intelligence musicale, le second campant un Orphée virtuose. La basse Matthieu Heim, à qui est notamment confié « Interrotte speranze », fait montre de toute l’autorité qui convient.
Espérons que ce spectacle sera accueilli par de nombreux théâtres, la façon dont il sait allier Renaissance et modernité ne pouvant que séduire un grand nombre de spectateurs, y compris profanes.
Laurent Bury
Photo © Guillaume Marmin
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