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Bruce Liu en récital au théâtre des Champs-Elysées – Une jeunesse un peu trop sage – Compte-rendu
Bruce Liu en récital au théâtre des Champs-Elysées – Une jeunesse un peu trop sage – Compte-rendu
La vie d’un Premier Prix de grand concours international au lendemain de sa victoire n’est pas de tout repos. Aux invitations programmées un peu partout s’ajoutent des remplacements de dernière minute. Jean-Philippe Collard ayant dû renoncer à un récital prévu au théâtre des Champs-Elysées, c’est ce qui aura permis à Bruce Liu, lauréat du XVIIIe Concours Chopin de Varsovie en octobre dernier, de se produire pour la première fois dans la capitale. Né en 1997 à Paris de parents chinois, Xiaoyu Liu s’est installé avec sa famille à l’âge de 6 ans à Montréal, où il a étudié avec Richard Raymond puis avec Dang Thai Son (Premier Prix du Concours Chopin en 1980 - année de la fameuse « affaire » Pogorelich).
Assez largement occupé par des pages du jeune Chopin, empreintes de style brillant, le récital s’ouvre par une composition plus substantielle, le Nocturne en ut dièse mineur op. 27 n°1, que Bruce Liu aborde dans un tempo alenti, en atténuant quelque peu le feu dramatique de la partie centrale. Pourquoi pas ? : onirique et originale entrée en matière. Suit le Rondo « à la mazur » op. 5, œuvre d’un adolescent de 16 ans, que le pianiste enlève avec beaucoup de brio, mais où on ne lui en aurait pas voulu de faire montre d’un peu d’impertinence.
Avec la 2e Ballade, on passe à un tout autre registre et, avouons-le, l’approche nous laisse sur notre faim, trop retenue et n’osant pas pleinement la violence des contrastes, la fêlure psychologique d’une pièce que Chopin n’a sûrement pas dédiée par hasard à Schumann.
Avec l’Andante spianato et Grande Polonaise, Bruce Liu retrouve le premier Chopin et, après un volet initial très (trop ?) intimiste, l’esprit de la danse est bien là mais les doigts, formidablement assurés, ne s’autorisent pas assez le panache auquel ils ont droit.
En bon disciple de Dan Thai Son, Bruce Liu fuit tout excès dans l’approche de la musique du Polonais, au risque de passer à côté des enjeux d’une partition telle que la Sonate « Funèbre » qui, à l’instar de la Ballade en fa majeur, pêche à mon sens ici par son manque de subjectivité. « Le concours est fini ! » nous sommes-nous dit souvent au cours d’une exécution consensuelle, d’une grande maîtrise (pédalisation d’une économie et d’un clarté remarquables - le finale !), mais sans véritable angle interprétatif.
On aurait pu espérer en conclusion du récital d’un lauréat de Varsovie une partitition plus essentielle que les charmantes mais un tantinet bavardes Variations op. 2 sur « La ci darem la mano ». Le Canadien n’en fait qu’une bouchée ; son brio, d’évidence, ravit le public de l’avenue Montaigne. La Polonaise-Fantaisie ou la Ballade n° 4 nous en auraient dit tellement plus sur sa personnalité et son rapport à la musique de Chopin ... Quatre bis : Rameau (La poule, Les tendres plaintes) et Chopin (Etude op. 25/3 et Nocturne op. posth.)
On se gardera bien de former un avis en quoi que ce soit définitif après ce premier récital parisien de Bruce Liu. L’après-victoire d’un concours célèbre est une rude épreuve pour un jeune musicien : laissons à celui-ci temps « d’atterrir » !
Alain Cochard
Assez largement occupé par des pages du jeune Chopin, empreintes de style brillant, le récital s’ouvre par une composition plus substantielle, le Nocturne en ut dièse mineur op. 27 n°1, que Bruce Liu aborde dans un tempo alenti, en atténuant quelque peu le feu dramatique de la partie centrale. Pourquoi pas ? : onirique et originale entrée en matière. Suit le Rondo « à la mazur » op. 5, œuvre d’un adolescent de 16 ans, que le pianiste enlève avec beaucoup de brio, mais où on ne lui en aurait pas voulu de faire montre d’un peu d’impertinence.
Avec la 2e Ballade, on passe à un tout autre registre et, avouons-le, l’approche nous laisse sur notre faim, trop retenue et n’osant pas pleinement la violence des contrastes, la fêlure psychologique d’une pièce que Chopin n’a sûrement pas dédiée par hasard à Schumann.
Avec l’Andante spianato et Grande Polonaise, Bruce Liu retrouve le premier Chopin et, après un volet initial très (trop ?) intimiste, l’esprit de la danse est bien là mais les doigts, formidablement assurés, ne s’autorisent pas assez le panache auquel ils ont droit.
En bon disciple de Dan Thai Son, Bruce Liu fuit tout excès dans l’approche de la musique du Polonais, au risque de passer à côté des enjeux d’une partition telle que la Sonate « Funèbre » qui, à l’instar de la Ballade en fa majeur, pêche à mon sens ici par son manque de subjectivité. « Le concours est fini ! » nous sommes-nous dit souvent au cours d’une exécution consensuelle, d’une grande maîtrise (pédalisation d’une économie et d’un clarté remarquables - le finale !), mais sans véritable angle interprétatif.
On aurait pu espérer en conclusion du récital d’un lauréat de Varsovie une partitition plus essentielle que les charmantes mais un tantinet bavardes Variations op. 2 sur « La ci darem la mano ». Le Canadien n’en fait qu’une bouchée ; son brio, d’évidence, ravit le public de l’avenue Montaigne. La Polonaise-Fantaisie ou la Ballade n° 4 nous en auraient dit tellement plus sur sa personnalité et son rapport à la musique de Chopin ... Quatre bis : Rameau (La poule, Les tendres plaintes) et Chopin (Etude op. 25/3 et Nocturne op. posth.)
On se gardera bien de former un avis en quoi que ce soit définitif après ce premier récital parisien de Bruce Liu. L’après-victoire d’un concours célèbre est une rude épreuve pour un jeune musicien : laissons à celui-ci temps « d’atterrir » !
Alain Cochard
Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 14 janvier 2022
Photo © DR
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