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« Un salon au Grand Siècle » par Théotime Langlois de Swarte et William Christie à la Cité de la musique - La fête des sens et du cœur – Compte-rendu
« Leclair est de ces musiciens qui ont laissé de grands noms, mais qui, pour le commun des amateurs, ne sont plus guère que des noms ». Lorsque le musicologue Marc Pincherle écrit ces lignes, il y a soixante-dix ans très exactement, son constat est fondé. Leclair n’est en effet qu’un nom. Aujourd’hui le compositeur lyonnais est sorti du purgatoire, même si son œuvre pour violon n’a pas le retentissement qu’elle mérite. Quant à Jean-Baptiste Senaillé, de dix ans l'aîné de Leclair, il reste dans l’ombre, bien qu’étant l’auteur de cinq livres de dix sonates pour violon et basse continue.
Proposer un programme de sonates mettant en lumière ces deux compositeurs de la première moitié du XVIIIe siècle pourrait aujourd’hui encore rester un défi difficile à relever. Ce serait faire peu confiance à William Christie et Théotime Langlois de Swarte. Portés par leur enthousiasme et une passion artistique commune, le claveciniste et le violoniste ont enregistré un disque (1) sorti l’été dernier et qui a été unanimement salué par la critique – et objet d’un Disque de la Semaine de Concertclassic.(2)
© Les Arts Florissants - JBP-Films-Générations
Mais rien ne remplaçant le plaisir et la magie du concert c’est avec impatience que l’on attendait le récital programmé à l’amphithéâtre de la Cité de la musique. Dire que le jeune violoniste et le maître du renouveau baroque en France ont été à la hauteur de nos attentes est un euphémisme. La soirée restera assurément dans les annales. Pour le choix du programme tout d’abord (3) qui faisait évidemment la part belle à Jean-Marie Leclair et à Jean-Baptiste Senaillé, avec un détour par l’Italie : une sonate de la maturité de Haendel, réminiscence du séjour transalpin que le jeune saxon fit aux débuts des années 1700 et les variations sur la Follia d’Arcangelo Corelli, un des sommets de l’art baroque violonistique.
Avec Leclair et Senaillé, l’Italie est à nos portes. Le premier a reçu l’enseignement de Giovanni Battista Somis, le second de Tomaso Antonio Vitali. Les deux élèves ont assimilé l’art italien tout en gardant leur esprit français. Leurs sonates pour violon et basse continue sont donc le fruit de ces goûts réunis, alternant gravité et exubérance, panache et cantabile. Cette palette d’écriture et d’émotions est magnifiée par le superbe jeu – si facile en apparence – de Théotime Langlois de Swarte.
A ses côtés, William Christie, loin de se contenter d’un continuo de circonstance, a offert au jeune violoniste un écrin d’une imagination débordante et d’un délicat raffinement. Le magnifique Ruckers de 1646 (ravalé par Taskin en 1780) a participé à cette fête des sens et du cœur. Ajoutons enfin une ultime et touchante raison au bonheur qui fut le nôtre : la complicité et le plaisir évident des deux artistes à jouer ensemble. Une vraie délectation qui n’a pas échappé au public et qui s’est poursuivie jusqu’aux ultimes saluts.
Thierry Geffrotin
Paris, Cité de la musique / Amphithéâtre, 29 mars 2022
(1) Senaillé-Leclair, Sonates pour violon et clavecin ; Les Arts Florissants-Harmonia Mundi/HAF 8905292
(2) www.concertclassic.com/article/leclair-et-senaille-par-theotime-langlois-de-swarte-et-william-christie-les-arts
(3) Programme détaillé : philharmoniedeparis.fr/fr/activite/concert-sur-instruments-du-musee/23031-un-salon-au-grand-siecle?itemId=116767
Photo © Les Arts Florissants
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