C’est une nouvelle qui n’est pas agréable pour son immense public. Depuis un quart de siècle, l’Anglo-indien Akram Khan fascine par sa virtuosité et son inventivité dans le mariage des genres, imposant toutes les synthèses, toutes les formes de rapport à la danse grâce à la puissance de sa présence et à la suprême beauté de ses attitudes. Nombre de grands artistes lui ont proposé d’écrire pour eux ou de partager la scène lors de moments décisifs : ainsi Sylvie Guillem lui demanda-t-elle un solo, Techne, pour son propre départ, en 2014.
Et aujourd’hui, le grand interprète du kathak, aux pieds magiques, qu’il sut mêler aux secousses du flamenco du maître Israel Galvàn, en des séquences inoubliables, le penseur du mouvement tel que le XXe siècle le cherche, quitte la scène le mois de ses 47 années, dans le cadre de la série TranscenDanses, à l’invitation des productions Sarfati, avec lesquelles il a nourri de profonds rapports de complicité.
 

© Jean-Louis Fernandez

Pour cet adieu qui nous pèse, il a choisi une œuvre qui n’a rien de gai, l’un de ces solos dont il a le secret, où il parcourt de multiples sphères intellectuelles et gestuelles, Xenos, créé pour le centenaire de la première guerre mondiale. Il y dit son désespoir, sa perte de confiance dans l’humanité, son désir désespéré de beauté, face à l’horreur dont l’espèce peut être capable. Heureusement, il est un espoir à lui tout seul, et on ne quittera heureusement pas tout à fait sa force imaginative puisque la rentrée nous offrira sa Giselle, commandée par l’English National Ballet. Seul Mats Ek a su imposer une vision autre de l’héroïne romantique jusqu’ici. On fait confiance au grand Akram Khan, pour la marquer à nouveau d’un sceau qui ne ressemble à aucun autre.