D’aucuns l’ont découvert à la salle Cortot en février dernier, avec un magnifique programme Schumann inscrit dans le cadre d’un partenariat entre le Centre de Musique de Chambre de Paris et l’Académie Jaroussky.(1) Début mars, il était entre autres Lucain dans Il Nerone de Monteverdi conçu par Alain Françon à l’Athénée.(2) En mai, il a offert un épatant Scaramouche dans l’Ariane à Naxos selon Clarac Deloeuil > Le Lab à l’Opéra de Limoges (3) et il tient le rôle du Premier Juif de la Salomé que le Festival d’Aix présente cette année au Grand Théâtre de Provence (du 5 au 19 juillet), dans la mise en scène d’Andrea Breth et sous la direction d’Ingo Metzmacher.(4) A l’opéra comme dans le registre du lied et de la mélodie, Léo Vermot-Desroches (photo) fait partie des chanteurs de la nouvelle génération à suivre de près.  
 

© leo.vermotdesroches.com
 
L’apport de Valérie Guillorit
 
Violon, piano : le ténor franc-comtois (né en 1991) a pas mal tâtonné à ses débuts et a découvert la pratique chorale durant ses années de lycée à Besançon. L’opéra ne l’attirait guère à l’époque. Séduit par la dimension polyphonique du répertoire pour chœur, il s’est adonné avec beaucoup de plaisir à quelques travaux d’écriture durant ses jeunes années. « Si je n’avais pas fait le choix d’une carrière de chanteur, je me serais sans doute tourné vers la composition », confie-t-il. Ou vers la recherche musicologique, qu’il a découverte à la fac de Besançon puis à Lyon. En parallèle de ses études universitaires dans la capitale des Gaules, Léo Vermot-Desroches s’inscrit au Conservatoire de Villeurbanne et y démarre l’étude du chant avec la regrettée Catherine Maerten.
Les bases techniques étant posées, il se peut présenter au CNSMD de Paris en 2017 et entre dans la classe de Valérie Guillorit, auprès de laquelle il réalisera la totalité d’un cursus qui vient tout juste de s’achever. Fructueuse rencontre : « Nous nous sommes tout de suite bien compris. J’ai tendance à beaucoup intellectualiser ; elle m’a appris à passer par un autre biais, à mener un travail intuitif basé sur la technique italienne et axé sur la légèreté et la souplesse. Je vais naturellement vers les répertoires français et germanique ; grâce à Valérie Guillorit j’ai pris goût au répertoire italien. ».
Le séjour au CNSMDP offre en outre au ténor l’occasion de prendre part à différents spectacles maison, sous la conduite de Leonardo García Alarcón, de Sigiswald et Marie Kuijken, ou encore d’Alexander Briger, à la baguette pour un Tour d’écrou de Britten mis en scène par Brigitte Jaques-Wajeman que – la situation sanitaire obligeant – on a découvert en streaming en mars 2021.« L’incarnation la plus impressionnante du spectacle », écrivait Laurent Bury dans nos colonnes au sujet du Peter Quint de Léo Vermot-Deroches.(5)
 
 

Yun Ho Chen © Académie Jaroussky

D’enrichissantes rencontres à l’Académie Jaroussky

Autre étape importante dans le parcours du chanteur, le passage par l’Académie Jaroussky (Promotion Ravel - 2019-2020) (6) est marqué par d’enrichissantes rencontres. Celle avec son fondateur d’abord : « Philippe Jaroussky est passionné par ce qu’il fait et très engagé. Son expérience de la scène m’a été très utile ; il m’a permis d’avoir un autre regard sur mon travail. J’ai beaucoup appris aussi en le regardant faire travailler les autres chanteurs. » Un acquis précieux et sûrement pas étranger aux Premiers Prix Opéra et Mélodie que le ténor remporte en 2020 au Concours international de chant lyrique de Marmande.
C’est également à l’Académie Jaroussky que les chemins de Léo Vermot-Desroches et de la pianiste taïwanaise Yun Ho Chen (ancienne élève d’Anne Le Bozec au CNSMDP) se croisent. Le Requiem conclusif de l’Opus 90 de Schumann est le prétexte d’une première collaboration. « L’entente a été immédiate, se souvient le chanteur, une respiration commune s’est installée d’emblée. Elle sent naturellement les choses et on peut tout de suite se concentrer sur la musique, sur ce qu’elle raconte. Les discussions avec Yun Ho sont très enrichissantes ; le travail n’est jamais laborieux. Inutile de vous dire que la possibilité qui nous a été offerte de donner neuf fois notre programme Schumann au Centre de Musique de Chambre a été un grande chance et une occasion d’approfondir notre interprétation. »
 
Du lied à Puccini

Ce programme Schumann (Robert et Clara), augmenté de pages d’Hugo Wolf, sera d’ailleurs repris dès le 10 juillet au festival En Blanc et Noir de Lagrasse. Superbe moment en perspective dans un cadre rêvé pour ce répertoire. Un autre duo, avec orgue celui-là, réunira Léo Vermot-Desroches et Lucile Dolat à Royaumont le 24 juillet. La première rencontre des deux jeunes artistes dans l’abbaye valdoisienne en novembre dernier, au cours d’un stage animé par Véronique Gens et Thomas Lacôte, a permis à l'interprète d’être pour la toute première fois accompagné par un orgue. Séduit par la palette de couleurs de l’instrument, il récidive avec enthousiasme dans des pièces de Britten, Honegger, Poulenc et Durey. (7) 
Le ténor n’en oublie pas pour autant l’opéra et il y a fort à parier que son Rodolfo ne passera pas inaperçu lors de la Bohème donnée par la Compagnie Opera Fuoco de David Stern (structure que l’artiste a intégrée l’an dernier) les 13 et 14 août au festival La Grange aux Pianos de Chassignolles.(8)
 
Quant à la saison prochaine, elle s’annonce aussi riche que variée. Du Leopold de L’Auberge du Cheval Blanc à Marseille en décembre au Malcolm du Macbeth de Verdi à Saint-Etienne en juin 2023, en passant par un récital Verdi, Bernstein, Poulenc, Offenbach (18, 19 et 20 novembre) dans le cadre de la saison du Théâtre Impérial de Compiègne ou par la Petite Messe solennelle de Rossini à l’Opéra de Bordeaux en mars 2023, les occasions d’apprécier le talent de Léo Vermot-Desroches seront nombreuses.
 
Alain Cochard