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« La Popelinière, mécène de Rameau » à Musique en Dialogue aux Carmélites (Toulouse) – Vivifiante évocation – Compte-rendu
Toulouse, 1er juillet 1622 : Louis XIII et Anne d'Autriche posent la première pierre de la chapelle des Carmélites (bien que s'étant engagé à participer au financement de la construction, le roi ne tiendra pas sa promesse). Terminée en 1643, la chapelle est rehaussée – voûte de bois, revers de la façade, pans brisés du chœur, murs latéraux – de peintures des maîtres toulousains Jean-Pierre Rivalz (ou Rivals, 1625-1706) et Jean-Baptiste Despax (1710-1773), parure somptueuse qui lui vaut son surnom de « petite Sixtine toulousaine » : cadre exceptionnel et havre de paix aux teintes mordorées se prêtant de façon optimale aux arts mêlés. Juste avant le concert du 2 juillet, le maire de la Ville rose, Jean-Luc Moudenc, vint dévoiler une plaque célébrant l'événement. Et de brosser un large panorama de l'action de la Ville en faveur de son immense patrimoine (même si la vie proprement dite des lieux ne bénéficie pas toujours de subsides garantis et suffisants), rappelant que la chapelle avait été gracieusement cédée par l'État, lors de la grande fournée du début des années 2000, très heureux d'en confier gestion et entretien aux autorités locales …
Jean-Marc Andrieu © Jean-Jacques Ader
Musiques et textes
C'est donc aux Carmélites que Catherine Kauffmann-Saint-Martin, fondatrice et directrice artistique, propose depuis six ans Musique en Dialogue aux Carmélites, saison associant musiques et textes. Ouverte le 19 juin avec la pianiste Mūza Rubackytė et Olivier Bellamy : La comtesse Lily Pastré, mécène marseillaise, la présente saison offrait les 2 et 3 juillet, pour célébrer les 400 ans de la fondation, un concert des Passions – Orchestre baroque de Montauban (en formation de chambre) avec François Castang comme récitant (lequel tirait sa révérence à l'issue de ces deux prestations – provisoirement peut-être : s'il revient, ce sera, comme ici même, uniquement pour le plaisir), fidèle parmi les fidèles, depuis 2012 et les Concerts à l'Orangerie de Rochemontès qui précédèrent ceux des Carmélites.
Clémence Garcia © Jean-Jacques Ader
Airs sophistiqués et musiques à danser
Joliment structuré, le programme était double. La première partie illustrait l'époque de la fondation : Airs et ballets de cour au temps de Louis XIII. Airs de Pierre Guédron (1565-1620) et d'Étienne Moulinié (1599-1676) délicieusement chantés par la soprano Clémence Garcia – première collaboration avec Les Passions, voix pure et chaleureuse, souple et stylée, d'une parfaite aisance dans les longues phrases élégiaques de ces airs sophistiqués. Aux instruments seuls – Jean-Marc Andrieu (flûtes à bec), Flavio Losco (violon), Sylvie Moquet (viole de gambe) et Yasuko Uyama-Bouvard (clavecin) – revenaient les musiques à danser : Ballet du Roy dansé l'an 1621, Ballet de la Merlaison, composé et dansé par Louis XIII en 1635, Ballet de Monsieur de Montmorency (1622 ?), pages enjouées permettant à chacun des solistes de briller cependant que l'ensemble, festif, illustrait avec vivacité un bal en musique. Signé Jack Thomas (Université Jean Jaurès, Toulouse), le texte dit par François Castang faisait quant à lui revivre l'histoire des lieux et de la ville, la vie de cour et ses tragédies.
@ Jean-Jacques Ader
La Popelinière, mécène de Rameau
Quelques minutes d'entracte plus tard, et à plus d'un siècle de distance, la seconde partie honorait un maître absolu : Monsieur de La Popelinière, mécène de Rameau, sur des textes de Denise Launay, Philippe Beaussant et Sylvie Bouissou servis avec gourmandise par un François Castang prêtant vie à maintes figures hautes en couleur, à commencer par le fermier général Le Riche de La Popelinière mais aussi son épouse Thérèse des Hayes, excellente musicienne, amie et confidente des grands esprits du temps. Les Passions offrirent un florilège enchanteur des Pièces de clavecin en concerts, qui peuvent se jouer au clavecin seul – admirable Yasuko Bouvard, toujours d'un engagement et d'une prise de risque on ne peut plus musicalement affirmés – mais bénéficient assurément du joyeux et subtil habillage dialogué des flûtes et des cordes, au gré de l'humeur inlassablement renouvelée de Rameau. Deux airs refermaient ce programme vivifiant : Viens hymen des Indes Galantes, dont l'esprit faisait transition avec les airs de cour, puis L'Amour est le dieu de la Paix d'Anacréon, air de bravoure interprété par une Clémence Garcia d'une vaillance ne pouvant que soulever l'enthousiasme du public – au point de le bisser lors des deux concerts.
En attendant, côté Passions et Jean-Marc Andrieu, la très attendue « Pastorale languedocienne » de Mondonville Daphnis et Alcimadure (1754, en occitan ; le 1er octobre à Montauban, les 12 et 13 au Capitole de Toulouse) (1), la saison des Carmélites – sans doute la toute dernière, en raison, pour partie, des difficultés évoquées plus haut – se poursuit autour de deux autres figures féminines : Tchaïkovski et la baronne Nadejda von Meck, mécène russe, avec Denis Pascal au piano et Marie-Christine Barrault (24 juillet), puis Winnaretta Singer, princesse de Polignac, mécène américaine, avec un superbe trio de dames : la soprano Françoise Masset, Anne Le Bozec au piano et la comédienne Zazie Delem (28 août).
Michel Roubinet
Toulouse, chapelle des Carmélites, 2 et 3 juillet 2022
(1) www.les-passions.fr/fr/daphnis-et-alcimadure-de-mondonville/
www.theatreducapitole.fr/web/guest/affichage-evenement/-/event/event/6076629
Photo © Jean-Jacques Ader
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