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Le Duo Berlinskaïa-Ancelle aux Serres d’Auteuil – En attendant Babin – Compte-rendu
Retour au bercail pour Les Solistes aux Serres d’Auteuil ! Née avec le nouveau millénaire, la série imaginée par Anne-Marie Réby était exilée depuis 2012 à l’Orangerie de Bagatelle en raison des travaux d’extension de Roland Garros. Dix ans plus tard, elle a retrouvé son cadre originel le temps d’un week-end qui aura vu se succéder Adam Laloum, Marie Vermeulin, Jean-Paul Gasparian, Laurent Cabasso, Nour Ayadi, Marie-Josèphe Jude et, enfin, le Duo Berlinskaïa-Ancelle (photo), tous dans des programmes fidèles à la « recette » éprouvée des Solistes (une seule partie d’une heure environ, dont une douzaine de minutes de répertoire contemporain). Après six prestations en solo, la programmation (dédiée à la mémoire de Nicholas Angelich) se refermait donc sous le signe du piano à quatre mains avec l’un des rares véritables duos d’aujourd’hui.
C’est sur le conseil de Siloti que Tchaïkovski s’adressa à Rachmaninov, encore élève au Conservatoire de Saint-Pétersbourg, pour réaliser une transcription de son ballet La Belle au bois dormant. Les interprètes en ont retenu cinq morceaux (Introduction, Adagio, Pas de caractère, Panorama, Valse) : parfaite entrée en matière ! Le quatre mains n’est pas le deux pianos : nulle nostalgie symphonique dans l’approche de ces arrangements, mais un ton amical et vivant qui rappelle la place occupée par le quatre mains dans les foyers à une époque où n’existait ni radio, ni phonographe.
On ne saurait mieux préparer à Fauré et sa suite Dolly que les deux artistes font ensuite vivre et pétiller, d'une commune respiration, en préservant la douceur des coloris. Charme entêtant d’un intimisme tendre ...
Louis Aubert (1877-1968), compositeur — à (re)découvrir ! – et ... créateur en 1911 des Valses nobles et sentimentales de Ravel
Le goût de la découverte anime depuis toujours des interprètes attachés à promouvoir les (si nombreux !) aspects méconnus du répertoire à quatre mains et à deux pianos. A preuve : ils poursuivent avec Feuille d’images (1830) de Louis Aubert (1). Cinq pièces enfantines (Confidence, Chanson de route, Sérénade, Des pays lointains, Danse de l’ours en peluche) – une petite quinzaine de minutes – que le duo explore en distillant de savoureuses harmonies, typiques de l’entre-deux-guerres. Une musique aussi simple que suggestive qui, restituée avec pareille finesse, parle immédiatement à l'imagination.
Olga Viktorova © DR
Ludmila Berlinskaïa et Arthur Ancelle laissent le mot de la fin à l’Ukrainienne Olga Viktorova (1960) avec quatre (les nos 1, 2, 5 et 6) des six maillons d'Azur et Or (2008), cycle inspiré des vers d’Alexander Vernikov. Une composition dont ils traduisent l’invention sonore (très bel Andantino pastorale) comme l’énergie rythmique (avec claquements de mains dans le n° 1 et battements de pieds dans le n° 6 !). Inutile d’ajouter que les deux pièces d’Alexander Tsafsman proposées en bis se révèlent parfaitement en situation.
Georg Köhler © DR
Des couleurs, du rythme, Ludmila Berlinskaïa et Arthur Ancelle nous en promettent encore pour bientôt. Ils se produiront en effet dès le 29 septembre dans le cadre de la 3e édition du Festival Piano-Piano (2), manifestation qu'ils ont installée à Rungis, et offriront en création française le Concerto n° 2 pour deux pianos et orchestre de Victor Babin (1908-1972). Le partenaire de Vitya Vronski (1909-1992) dans l’un des plus célèbres duos du dernier siècle se doublait d'un compositeur de talent : on s’en convaincra avec le concours de l’Orchestre national d’Île-de-France et du jeune Georg Köhler, chef assistant de la phalange la saison passée.
Alain Cochard
(1) rungispianopiano-festival.com/edition-2022/ludmila-berlinskaia-arthur-ancelle-georg-kohler-orchestre-national-dile-de-france-2022/
Paris, Orangerie des Serres d’Auteuil, 4 septembre 2022
Photo © Nathanaël Charbonnier
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