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L’huomo d’Andrea Bernasconi au festival de Herne 2022 – Quand la margravine balance… – Compte-rendu
L’huomo d’Andrea Bernasconi au festival de Herne 2022 – Quand la margravine balance… – Compte-rendu
Ecrire des opéras était semble-t-il un passe-temps assez répandu parmi la noblesse allemande au XVIIIe siècle. On sait que Frédéric II jouait de la flûte et composait, et l’on a récemment pu voir en région parisienne Talestri, reine des Amazones -1763) (1), partition due à Marie-Antoinette de Bavière. Pour son édition 2022, le festival de musique ancienne de Herne met à l’honneur une œuvre dont le livret fut conçu en 1754 par la margravine Wilhelmine de Bayreuth, en prévision d’une visite du roi de Prusse venu admirer son tout nouveau théâtre. C’est en français que cette dame écrivit L’Homme, qui fut mis en vers italien par le poète de la cour, Luigi Stampiglia, avant d’être mis en musique par Andrea Bernasconi (1706-1784), kapellmeister de Munich de 1753 jusqu’à sa mort.
La margravine composa elle-même deux des airs, où elle révèle un goût certain pour les suraigus, le livret étant une allégorie un rien manichéenne où s’opposent un Bon Génie et un Mauvais Génie, ainsi que l’Amour sérieux et l’Amour volage, secondés par la Volupté ou la Raison, pour entraîner les humains vers la vertu ou le vice. Les deux personnages principaux sont les deux humains, Anemone et Animia, deux âmes à conquérir. Et bien sûr, la margravine règle ses comptes avec le sexe masculin, puisque là où Animia reste fidèle, Anemone, de sexe masculin, succombe immédiatement aux attraits des plaisirs, pour finalement se repentir, d’où happy end et défaite des méchants. Sur ce livret, à l’issue assez prévisible, Bernasconi a composé une musique caractéristique du style galant, avec juste ce qu’il fallait de virtuosité pour faire briller les chanteurs réunis pour l’occasion, un ténor et une basse étant les seules voix graves.
© WDR / Thomas Kost
L’Huomo avait été exhumé à Bayreuth en 2009, mais Dorothee Oberlinger a décidé avec raison de redonner sa chance à cet opéra italo-germanique, dont elle a judicieusement complété les lacunes (la musique des ballets ne figure pas dans l’unique manuscrit existant de la partition) en y insérant quelques extraits de l’Armida de Graun (1751). Sous sa baguette énergique, l’Ensemble 1700, riche d’une vingtaine de musiciens, parvient sans peine à redonner vie à cet opéra, avec l’aide de la mise en espace de Nils Niemann, où quelques gestes et accessoires suffisent à montrer, non sans humour, comment les divinités s’approprient tour à tour les deux humains.
L’Huomo avait été exhumé à Bayreuth en 2009, mais Dorothee Oberlinger a décidé avec raison de redonner sa chance à cet opéra italo-germanique, dont elle a judicieusement complété les lacunes (la musique des ballets ne figure pas dans l’unique manuscrit existant de la partition) en y insérant quelques extraits de l’Armida de Graun (1751). Sous sa baguette énergique, l’Ensemble 1700, riche d’une vingtaine de musiciens, parvient sans peine à redonner vie à cet opéra, avec l’aide de la mise en espace de Nils Niemann, où quelques gestes et accessoires suffisent à montrer, non sans humour, comment les divinités s’approprient tour à tour les deux humains.
Dorothee Oberlinger © WDR / Thomas Kost
Parmi les huit solistes majoritairement germaniques, tous ne sont pas aussi à l’aise avec la langue italienne, sans que cela soit rédhibitoire pour aucun d’entre eux. Roberta Mameli aurait dû être la titulaire du rôle du Bon Génie, mais sa compatriote Francesca Benitez s’empare avec autorité de ce personnage qui ouvre l’opéra et le conclut. Son adversaire Florian Götz a moins à chanter, mais souligne la joie que prend le Mauvais Génie à faire le mal. Aphone, la mezzo Alice Lackner mime tout le rôle de la Raison, ses récitatifs étant répartis entre ses consœurs et ses airs étant attribués à des instruments de l’orchestre (la seule coupure concerne le long monologue que le personnage doit prononcer vers la fin de l’œuvre).
Le ténor Simon Bode prête un timbre percutant aux deux Amours, tandis qu’Anna Herbst et Johanna Rosa Falkinger, Volupté et Inconstance, rivalisent de charmes pour conquérir leur proie humaine. Comme il se doit, les humains bénéficient des deux rôles les plus développés : alors qu’en 2009, Anemone avait été confié à une chanteuse, c’est ici un sopraniste qui l’interprète, et Philipp Mathmann s’y montre tout à fait convaincant, en particulier dans les airs lents où il distille d’admirables notes filées ; Maria Ladurner prête à Animia toute l’émotion et toute la virtuosité requises.
Quand une version totalement scénique sera donnée en juin prochain, lors du festival de Potsdam, on pourra vérifier la validité théâtrale de cette œuvre où la margravine balance le porc qui sommeille nécessairement en tout mâle...
Laurent Bury
Parmi les huit solistes majoritairement germaniques, tous ne sont pas aussi à l’aise avec la langue italienne, sans que cela soit rédhibitoire pour aucun d’entre eux. Roberta Mameli aurait dû être la titulaire du rôle du Bon Génie, mais sa compatriote Francesca Benitez s’empare avec autorité de ce personnage qui ouvre l’opéra et le conclut. Son adversaire Florian Götz a moins à chanter, mais souligne la joie que prend le Mauvais Génie à faire le mal. Aphone, la mezzo Alice Lackner mime tout le rôle de la Raison, ses récitatifs étant répartis entre ses consœurs et ses airs étant attribués à des instruments de l’orchestre (la seule coupure concerne le long monologue que le personnage doit prononcer vers la fin de l’œuvre).
Le ténor Simon Bode prête un timbre percutant aux deux Amours, tandis qu’Anna Herbst et Johanna Rosa Falkinger, Volupté et Inconstance, rivalisent de charmes pour conquérir leur proie humaine. Comme il se doit, les humains bénéficient des deux rôles les plus développés : alors qu’en 2009, Anemone avait été confié à une chanteuse, c’est ici un sopraniste qui l’interprète, et Philipp Mathmann s’y montre tout à fait convaincant, en particulier dans les airs lents où il distille d’admirables notes filées ; Maria Ladurner prête à Animia toute l’émotion et toute la virtuosité requises.
Quand une version totalement scénique sera donnée en juin prochain, lors du festival de Potsdam, on pourra vérifier la validité théâtrale de cette œuvre où la margravine balance le porc qui sommeille nécessairement en tout mâle...
Laurent Bury
(1) www.concertclassic.com/article/talestri-reine-des-amazones-de-marie-antoinette-de-baviere-en-premiere-francaise-par-la
Andrea Bernasconi : L’huomo – Herne (Allemagne), Kulturzentrum, 12 novembre 2022
Photo © WDR / Thomas Kost
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