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Policías y ladrones en création mondiale au Teatro de la Zarzuela de Madrid – Zarzuela d’aujourd’hui - Compte-rendu
Commande du Teatro de la Zarzuela au compositeur Tomás Marco (né en 1942), la zarzuela Policías y ladrones (Policiers et voleurs) avait vu sa création reportée à deux reprises les années précédentes, en raison notamment du contexte sanitaire. C’est donc un événement très attendu que la production enfin étrennée et désormais création mondiale de l’œuvre, réunissant pour l’occasion le gratin de la critique madrilène et un public faisant le plein du théâtre. Le résultat ne déçoit pas et répond à ces attentes, autant pour son propos musical que sa réalisation.
© Elena del Real
Disciple de Ligeti et Stockhausen, Tomás Marco ne manque pas à sa louable mission de revivifier le genre de la zarzuela, et cela sans réelles concessions. Si le découpage correspond aux critères de ce genre lyrique, avec numéros musicaux clairement stipulés entre des passages parlés, le langage musical n’hésite pas à une texture atonale mais dans un constant lyrisme vocal pour les parties solistes comme pour les nombreux ensembles, incluant aussi des reprises thématiques, au-dessus d’une orchestration pointilliste faisant la part belle aux percussions. Immédiatement prenant !
Le sujet, sur un livret de l’écrivain Álvaro del Amo, joue aussi d’une matière que l’on retrouve dans nombre de zarzuelas historiques, en forme de dérision et de panache, pour narrer les mésaventures d’un politicien corrompu confronté à un policier qui le devient également (en allusion à une affaire qui avait en son temps défrayé la chronique espagnole). Le titre lui-même se veut dans cet esprit, repris du nom d’un jeu enfantin très courant en Espagne. Et l’ensemble aboutit à un spectacle des plus convaincants.
© Elena del Real
Il le doit aussi à la mise en scène, signée Carme Portaceli, dans une permanente vivacité autour d’un décor en forme de manège de foire tournant, des costumes bien évocateurs des personnages et de leurs évolutions, sous des lumières choisies. Une illustration parlante de la trame et de ses soubresauts. La distribution vocale s’y coule aisément, dans sa gestique comme dans son chant. Le baryton César San Martín et la basse Miguel Ángel Arias échangent leurs répliques pour les deux personnages principaux avec allant et une projection de voix assurée. La soprano Alba Chantar et le ténor César Arrieta figurent leurs deux rejetons et les amoureux donnant l’indispensable note sentimentale, avec tout autant de juste expression. Alors que la soprano María Hinojosa, plantant la mère du corrompu, s’épanche pour sa part à travers une colorature effrénée. Puisque l’écriture vocale de la partition ne va pas à l’encontre du chant. Le chœur titulaire du théâtre, qui a une partie importante et complexe, s’élance vaillamment et sans faillir.
L’orchestre, celui de la Communauté de Madrid et titulaire du théâtre, se joint dans une couleur de timbres exacerbés mais en parfaite osmose avec le chant. José Ramón Encinar mène le tout d’une battue efficace autant que précise. Beau succès, accueilli comme tel par le public, pour la première création de zarzuela en ce théâtre qui lui est dédié depuis quarante ans (à côté de quelques rares et ponctuelles autres créations étrennées hors les murs). Le genre lyrique de la zarzuela, que l’on croyait éteint, revit plus et mieux que jamais.
Pierre-René Serna
Tomás Marco & Álvaro del Amo : Policías y ladrones – Madrid, Teatro de la Zarzuela, 18 novembre ; prochaines représentations les 23, 25 & 27 novembre 2022 // teatrodelazarzuela.mcu.es/es/temporada/lirica-2022-2023/policias-y-ladrones-2022-2023
Photo © Elena del Real
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