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La violación de Lucrecia de José de Nebra au Teatro de la Zarzuela de Madrid – Féministe (et simpliste) – Compte-rendu
Comme de coutume le Teatro de la Zarzuela s’attache à renouer avec des œuvres oubliées de son répertoire. Bonne coutume ! Si ce n’est que l’on peut parfois émettre des réserves. Comme ainsi dans le cas de La violación de Lucrecia, titre déjà modifié de la zarzuela Donde hay violencia, no hay culpa (Où il y a violence, il n’y a point faute) sur une musique de José de Nebra (1702-1768) créée en 1744, reprise en 1749 puis reléguée dans le nimbes. Car la réalisation présentée, qui respecte intégralement une musique splendide, se retrouve annihilée de ses passages parlés (inhérents à toute zarzuela) remplacés d’un texte inventé pour l’occasion (par Rosa Montero), débité par une narratrice (Manuela Velasco), qui ne se contente pas de résumer l’action mais déclame une sorte de manifeste féministe. Vite pesant ! Les personnages n’interviennent alors que dans leur seul chant, aux dépens de leur réelle participation. C’est d’autant plus dommageable pour une œuvre prétendument exhumée, et d’autant que même le programme de salle n’offre pas le livret original.
© Elena del Real
La trame, tournant autour du mythologique viol de Lucrèce dans la Rome antique (qui a inspiré Shakespeare puis Britten), sert donc de prétexte à cette manière insistante de conversion en harangue anti-machiste (bien dans l’air du temps). La mise en scène, signée Rafael R. Villalobos, en résulte, se contentant d’un unique décor nu sur fond d’image d’un tableau transposant ce thème mythologique, entre peu d’éléments (quelques statuaires antiques et l’inévitable baignoire), des costumes actuels et des gestes convenus autour de la diseuse de la soirée (et d’un acteur mimant Sextus, le violeur en question). Simpliste ! Et passent ainsi à la trappe les péripéties de l’action, tout du moins celles dans son livret original.
Alberto Miguélez Rouco © DR
Mais la musique sauve tout. Elle revient au jeune Alberto Miguélez Rouco (né en 1994), fervent avocat du répertoire de la zarzuela et responsable des recherches et de la mise au point d'une partition qu'il a enregistrée pour Glossa en 2021(1), devant son ensemble sur instruments d’époque Los Elementos (fondé en 2018 par le contre-ténor, lauréat du 10e Jardin des Voix de William Christie et ancien membre de l’Académie Jaroussky) et un magnifique quatuor de chanteuses (puisque les chanteurs étaient exclus de l’art lyrique baroque espagnol – au contraire de l’Italie !). L’inspiration musicale, puissante et variée, s’épanche alors à son meilleur.
© Elena del Real
La soprano María Hinojosa Montenegro exprime d’une colorature brillante Lucrecia (dont un impressionnant air d’entrée tourmenté). La mezzo Carol García (pour le rôle masculin travesti de Colatino), la mezzo Judith Subirana (Laureta) et la soprano Marina Monzó (Tulia) complètent ardemment un ensemble vocal emporté dans son chant comme dans son interprétation. Les airs da capo, les fréquents duos, trios (splendide trio de la fin du premier acte) et quatuors, sur le texte d’origine du librettiste Nicolás González Martínez, s’exposent alors avec la ferveur de sentiments exacerbés. Belle réunion vocale !
L’orchestre n’est pas en reste d’acuité, distillé et percussif, sous la battue investie autant que vigilante d’Alberto Miguélez Rouco. Grand moment musical, qui permet de passer sur une présentation scénique contestable.
Pierre-René Serna
(1) www.glossamusic.com/glossa/reference.aspx?id=555 , tout comme, toujours de José de Nebra et chez Glossa en 2019, Ventado es Amor, no es ciego : www.glossamusic.com/glossa/reference.aspx?id=511
José de Nebra - La violación de Lucrecia - Madrid, Teatro de la Zarzuela, 26 mars 2023 // teatrodelazarzuela.mcu.es/es/temporada/lirica-2022-2023/la-violacion-de-lucrecia-2022-2023
À retrouver en streaming sur Youtube, Facebook et la page web du Teatro de la Zarzuela.
Photo © Elena del Real
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