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Soirée exceptionnelle en l'honneur de Claude Bessy au Palais Garnier – Fair Lady – Compte-rendu
Elégante idée d’Elisabeth Platel que de rendre ainsi hommage, pour ses 90 ans, à sa tempétueuse devancière Claude Bessy, qui dirigea l’Ecole de Danse d’une poigne de fer pendant trente ans. C’est à elle que l’on doit la fondation de l’Ecole de Danse à Nanterre, obtenue avec l’aide de Jack Lang, et où les enfants purent enfin avoir une scolarité correcte, c’est à elle que l’on doit auparavant des améliorations notoires de la condition des petits rats grattant les planchers du Palais Garnier, arrachées à Rolf Liebermann, alors dispendieux mais génial directeur de l’Opéra. C’est encore à elle que l’on doit la création des spectacles de l’Ecole, d’abord à Favart puis au Palais Garnier, qui permirent aux élèves de se familiariser avec la scène, dont ils étaient privés, depuis que les ballets d’opéra, vieille institution des siècles précédents, battaient de l’aile avec des mises en scène qui les supprimaient. C’est à elle enfin, que l’on doit quelques très beaux épisodes de l’histoire de la danse, lorsque sublime de beauté, elle érotisait les rôles les plus académiques avec ses proportions de déesse, et gagnait les cœurs de quelques grands.
© Opéra national de Paris
Et ce n’est pas pour rien que Gene Kelly, qu’elle connut lors d’un épisode nord-américain, fit d’elle son Aphrodite du Pas de Dieux sur le Concerto en fa de Gershwin. Puis, cassée, brisée par un énorme accident, comme plus tard l’un de ses poulains préférés, Patrick Dupond, qui avait lui aussi le caractère frondeur, elle recolla les morceaux, fut une belle bergère dans le ballet chorégraphié par George Skibine sur le Daphnis et Chloé de Ravel, avant de se consacrer à une mission d’enseignement qu’elle tint farouchement.
Hommage donc bien venu de l’Ecole que dirige aujourd’hui Platel avec un autre style, plus souple, et qui a permis de revoir, outre de brefs extraits dansés, emblématiques de l’Ecole et de son ancienne patronne, un film du plus grand charme et du plus haut intérêt, réalisé par Fabrice Herrault, et qui montrait la splendide créature dans sa jeunesse avec quelques uns de ses rôles les plus marquants, dont le fameux Boléro que Béjart lui confia. On y découvre une façon de danser un peu disparue aujourd’hui, moins fluide, plus volontaire, plus offensive, mais très parlante, on retrouve avec bonheur des figures royales de la maison, notamment le prodigieux Cyril Atanassoff, partenaire de rêve, ou l’athlétique Attilio Labis, tout récemment disparu. On y voit une personne à la force de caractère extrême, qui a tant fait pour le ballet classique, et dont on ignore trop souvent la sensibilité masquée.
M pour B (chor. M. Béjart) © Svetlana Loboff
Pour le reste, l’Ecole a joliment repris le Concerto en ré qu’elle avait tout chaud dans ses chaussons dans son récent programme (1) et que Bessy chorégraphia pour son premier spectacle en 1977. Puis, exécuté comme une pirouette, le sonnet chorégraphique que Béjart fit pour elle, M pour B (photo), charmant petit hommage à sa personnalité sexy, après que le spectacle se fut ouvert sur la grandiose et solennelle ouverture de Suite en blanc, encore amplifiée par la baguette de Christian Vásquez, puis son final, réglé par Serge Lifar sur Namouna de Lalo, Lifar qui fut le maître adoré de la ballerine. Entre ces pièces typiques de l’époque Bessy, Elisabeth Platel, qui a bon goût, avait glissé un échantillon de sa préférence personnelle, avec deux extraits d’une œuvre de son propre dieu de la danse, John Neumeier, le délicieux Yondering, qui permet à l’Ecole de donner d’elle une image subtilement juvénile, où la technique passe après la profondeur. Les garçons en présence y marquèrent un léger avantage sur l’élément féminin de l’Ecole, déjà remarqué précédemment.
Yondering (chor. J; Neumeier)
Puis ce furent les saluts, évidemment délirants, d’une salle venue pour célébrer la fair-fer lady, marqués d’un bouquet, de paroles émues, et de la présence de quelques professeurs de l’Ecole de Danse, qui furent élèves de Bessy. On eût aimé quelque pluie de papiers argentés ou de pétales descendant des cintres, comme il arrive souvent pour les adieux des étoiles. Là ce fut sobre, à la manière des restrictions du moment. La ballerine fêtée, mais tant critiquée pour « son franc-parler sans fard, redouté, mais respecté et écouté de tous », comme l’écrit Platel, n’en brillait que plus par sa vigueur indestructible et son sourire carnassier. On conspua souvent ses accès de colère, sa dureté avec les élèves qui ne correspondaient pas à ses exigences. On admira surtout les résultats de sa gestion, qui produisit des miracles. Et les quelques photos proposées dans la plaquette du programme qui la montrent au milieu de sa petite troupe, sont éclairées de sourires éclatants qui suggèrent que les élèves d’alors n’étaient pas tous désespérés.
Jacqueline Thuilleux
Lire le CR : www.concertclassic.com/article/spectacle-de-lecole-de-danse-de-lopera-de-paris-rejouissantes-perspectives-compte-rendu
Paris, Palais Garnier, 19 avril 2023
Photo (Suite en blanc ; chor. S. Lifar ) © Svetlana Loboff
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