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Three Lunar Seas de Josephine Stevenson en création mondiale à l’Opéra Grand Avignon – Contes de la lune vague – Compte-rendu
A partir de trois histoires délicatement reliées entre elles, la première portant sur le désir de maternité, la seconde sur le renoncement à l’amour physique et la troisième sur la dénonciation d’un ravage écologique, par le librettiste Ben Osborn, la jeune compositrice franco-britannique Josephine Stephenson (1990) vient de créer à Avignon Three Lunar Seas.
Ecrite d’un seul trait, dans un mouvement continu qui emporte l’auditeur et le tient en haleine une heure trente durant, cette pièce orchestrée avec finesse, dans un langage tenu et accessible où l’on retrouve Britten, Glass mais également Thomas Adès et George Benjamin, apporte la preuve que la forme lyrique a toujours sa place dans la cité.
Josephine Stephenson © Daragh Soden
Si Josephine Stephenson, autrice de Ghost Opera présenté par la compagnie FellSwoop Theatre au Festival d’Aix-en-Provence en 2015, manie adroitement les sonorités de son orchestre – le recours au cristal Baschet est à mettre à son crédit – et joue avec un large spectre de tonalités, elle connaît les voix (elle est passée par la Maîtrise de Radio France), respecte leur tessiture et offre au chœur mixte de belles échappées. Seul motif de déception, le rôle de Serena, la militante qui choisit de dénoncer le désastre écologique perpétré par une usine, confié à une chanteuse « folk », anachronique sur un plateau d’opéra.
© Studio Delestrade - Avignon
Le spectacle pourtant défendu par une équipe solide, Dori Deng (scénographie, lumière et vidéo), Lionel Lesire (costumes) et Emilio Calcagno (chorégraphie) aurait gagné à être davantage travaillé, Frédéric Roels se contentant de vagues indications générales qui laissent plus d’un des interprètes désemparés, incapables de faire ressortir physiquement les affres qui dévorent leurs personnages. Les deux femmes qui accueillent l’idée de maternité avec bonheur avant l’annonce d’une fausse couche sont vocalement mal appariées, le timbre acide et haut perché d’Eduarda Melo (Her) ne trouvant pas à s’épanouir auprès de celui, plantureux, de la mezzo (mais en est-elle vraiment une ?) de Jess Dandy (She).
© Studio Delestrade - Avignon
Le double-rôle de Sage-femme et de surveillant qui sert de fil rouge à ces contes, est habilement tenu par Anas Seguin, à l’opposé de celui de Serena dont Kate Hugget, pourtant sonorisée, livre une inconsistante incarnation : timbre anémié et sans substance, diction impossible. Le rôle de Cynthia, femme aimante mais brisée par la paralysie de son mari (joué par le danseur Ari Soto) et démunie par son mutisme, est défendu avec l’inaltérable flamme de Patrizia Ciofi qui n’a aucun mal à trouver derrière son beau texte anglais – comme précédemment dans Akhnaten de Philip Glass et Chamber Heart de Chaya Czernowin – porté par de belles mélodies, une expressivité toujours juste et éclairante.
Léo Warynski © Elsa Laurent
A la tête de l’Orchestre national Avignon-Provence, Léo Warynski dirige avec naturel et conviction une partition à la fois ancrée dans une réalité très forte et soumise aux mystères de la Déesse Lune, impassible témoin de notre évolution.
François Lesueur
J. Stephenson / Ben Osborn : Three Lunar Seas (création mondiale) – Avignon – Opéra, 7 mai 2023
Photo © Studio Delestrade - Avignon
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