Journal
La chronique d'Emilie Munera - Bürki-Gigashvili : duel au sommet
Nom : Giorgi Gigashvili
Lieu de naissance : Tbilisi (Géorgie)
Date de naissance : 2000
Profession : pianiste classique, mais aussi musicien électro fondateur du groupe Tsduneba
Nom : Simon Bürki
Lieu de naissance : Saint-Gall (Suisse)
Date de naissance : 2000
Profession : pianiste classique, mais aussi passionné de jazz et d’improvisation
Duel au sommet cette semaine entre deux pianistes nés la même année, que l’on pourra bientôt entendre en concert et qui font paraître leur premier disque au même moment. Y aura-t-il un gagnant ? Je n’ai pu, pour ma part, les départager, car ils ont su chacun à leur manière, m’impressionner et me toucher.
Giorgi Gigashvili et Simon Bürki ont vu le jour en 2000, mais leur parcours musical est différent. Prenons tout d’abord la direction de la Géorgie où Giorgi Gigashvili a pris ses premières leçons de musique. Dans l’ADN du jeune garçon, il y a évidemment le piano, mais aussi et surtout la musique populaire dans laquelle il a baigné dès son plus jeune âge. Il adorait arranger et chanter les chansons de son pays ainsi que les grands tubes de la pop. A 13 ans, il participe à l’édition géorgienne de “The Voice” et remporte le concours (ne ratez pas la vidéo irrésistible de sa prestation sur sa chaîne YouTube !). Le piano l’accompagne toujours mais il n’imagine pas encore d’avenir professionnel.
Un événement va pourtant bousculer sa carrière lorsqu’en 2019, il remporte le premier prix du Concours international de Vigo présidé par celle qu’il considère comme son idole, la grande Martha Argerich. Adoubé par la reine des pianistes, l’idée commence alors à cheminer… Et s’il se consacrait au piano ? Quelques mois plus tard, il gagne le 3e prix et le prix du public du Concours Busoni. Puis en mars dernier, le 2e prix du Concours Arthur Rubinstein. Giorgi Gigashvili se retrouve alors sous le feu des projecteurs. Protégé de Martha Argerich, élève de Nelson Goerner, soutenu par la fondation de la violoniste Lisa Batiashvili, il doit maintenant conquérir le public.C’est ce qu’il tente de faire avec un premier disque (Alpha Classics) sur lequel il apparaît en jean, grosses baskets et blouson de cuir. Son programme traverse les siècles et les esthétiques : On y croise deux sonates de Scarlatti, les 3 Intermezzi op. 117 de Brahms, un Regard de Messiaen ou la « Messe noire » de Scriabine. Plat de résistance : les Eroica de Beethoven, véritable petit théâtre d’émotions. Sous ses doigts, chaque variation est un personnage habillé d’un nouveau costume. Son jeu est animé, conquérant et fougueux.
Autre image avec Simon Bürki : pas de baskets ni de jeans sur la pochette de son disque (Aparté) mais un classique pull noir couvrant une chemise. Né en Suisse, il commence ses études à 5 ans à l’école de musique et de jazz à Kiev en Ukraine. Alors qu’à 13 ans, Giorgi Gigashvili chante sur les plateaux de télé géorgiens, Simon Bürki remporte le Concours de musique pour jeunes pianistes sous le haut patronage de Denis Matsuev ; un tournant dans sa carrière. Ses classes se poursuivent à Moscou puis à New York où il travaille aujourd’hui à la Juilliard School dans la classe de Sergei Babayan (un bon ami de Martha Argerich).
Amoureux de la musique de Sergei Rachmaninov, il a dédié son premier disque à la mémoire d’un compositeur cher à son cœur. Comme Giorgi Gigashvili, Simon Bürki a choisi un programme patchwork regroupant, dit-il, des pièces mélancoliques. A côté de Rachmaninov, on trouve Liszt, Schumann, Tchaïkovski et Scriabine. Moi qui n’ai jamais perdu l’âme romantique de mes 20 ans, son jeu animé de passions et de justes sentiments m’a immédiatement enflammée ! Ne ratez pas ses quelques Etudes-Tableaux (Op. 39/1, 4, 5 & 8) de Rachmaninov, survoltées, ou un Rêve d'amour de Liszt d’une incroyable sensibilité. La poésie de Simon Bürki est à couper le souffle et sa maîtrise du clavier lui permet les plus belles couleurs et subtilités.
Serez-vous plus sensible au jeu fougueux de Giorgi Gigashvili ou à la poésie saisissante de Simon Bürki ? Ne choisissez pas et laissez-vous porter par l’art subtil de ces deux musiciens. Mais si vous voulez vraiment choisir un camp, allez les écouter : Simon Bürki sera à Paris les 14 (Salle Cortot) et 19 juin (Festival Chopin), et dès le 9 juin à Bordeaux dans le cadre du 14e Festival Esprit du Piano, en deux parties cette année avec un volet « Nouvelle génération » en juin (une belle initiative pour les six jeunes musiciens mis à l’honneur, dont fait d’ailleurs partie Dimitri Weissenberg, petit-fils d’Alexis).
Quant à Giorgi Gigashvili, il vous faudra patienter jusqu’à la rentrée pour l’entendre puisque le Festival Piano aux Jacobins de Toulouse lui a confié le récital inaugural de sa 44e édition, le 6 septembre.
Emilie Munera
Simon Bürki
« Réminiscence » / 1 CD Aparté / AP317
Récitals :
14e Festival L’Esprit du Piano / Bordeaux / Château Giraud (Sauternes) / 9 juin 2023 /19h
www.espritdupiano.fr/simonb%C3%BCrki
Paris - Salle Cortot / 14 juin 2023 (20h) / sallecortot.com/
Festival Chopin / Orangerie de Bagatelle / 19 juin 2023 (20h45) // www.frederic-chopin.com/
Giorgi Gigashvili
- « Meeting my shadow » / 1 CD Alpha Classics - ALPHA930
Récital au 44e Festival Piano aux Jacobins / Toulouse / 9 septembre 2023 (20h)
www.pianojacobins.com/giorgi-gigashvili-2/
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