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Festival Erard 2023 (13-15 oct.) – La musique française d’un siècle l’autre
Pour l’amoureux de piano, le nom de Sébastien Erard (1752-1831) évoque une éminente figure de la facture instrumentale française. Il fut sans doute aussi celui qui pesa le plus sur l’évolution de la technique pianistique, en ayant d’abord l’excellente idée de fuir la décapiteuse folie révolutionnaire et de s’installer outre-Manche de 1792 à 1796 – il était facteur officiel du roi, ne l’oublions pas ... –, puis en présentant en 1823 le génial système dit du “double échappement” (qui autorisait une répétition beaucoup plus rapide de la note). 1823 : l’année où un certain Franz Liszt posa pour la première fois le pied à Paris ... Liszt qui allait devenir l’un des plus fervents avocats de la marque ... Tout se tient.
Si les murs pouvaient parler ...
Le nom d’Erard est aussi celui d’une salle mythique, qui occupa une place centrale dans la vie musicale parisienne du siècle romantique et de la première moitié du suivant. Les pavés de la cour du 13 rue du Mail (75002) (1) ont été foulés par tant d’artistes prestigieux et d’invités de marque ... A la vérité, la salle Erard proprement dite où une foison d’ouvrages majeurs ont été créés (elle était le centre de gravité de la Société Nationale de Musique, fondée en 1871) n’existe plus, la salle que l’on connaît aujourd’hui correspond à l’espace où le facteur exposait ses pianos et ses harpes. Si les murs pouvaient parler, ils conteraient les visites de Liszt et de tous les virtuoses passés rue du Mail ...
Acoustiquement admirable, l’actuelle salle Erard est parfois utilisée pour des enregistrements : c’est là que Saskia Lethiec et Jérôme Granjon (photo) ont réalisé en 2021 leur programme de sonates françaises pour violon et piano (Fauré, Saint-Saëns, Franck / 1 CD Cascavelle) – autour d’un Erard, de 1875, bien évidemment ! « Nous avons eu le coup de foudre pour ce lieu, confient les artistes. Coup de foudre partagé par le producteur et mécène de l’enregistrement, Xavier Caïtucoli, un chef d’entreprise (et musicien ; il a côtoyé Saskia Lethiec autrefois au Conservatoire de Nice ...) qui a accepté de suivre les deux artistes dans leur projet de « Festival Erard ». Pour les soutenir, il a su fédérer un groupe de sociétés exerçant dans le domaine de l’énergie (Crescendix, Verso energy, Primeo énergie, Arvene) et permis la tenue de la première édition du festival en 2022. Fort de son succès, la manifestation se poursuit cette année avec un cru « De Chausson à Ravel » qui, trois jours durant, promet de faire à nouveau les délices des amoureux de musique française.
Deux chefs-d’œuvre rares
De l’époque de la Société Nationale de Musique (2) à celle de la Société Musicale Indépendante (fondée en 1909), la programmation embrasse l’une des périodes les plus foisonnantes de notre histoire nationale. La variété du répertoire présenté du 13 au 15 octobre sera aussi celle des instruments, des timbres, amenés à le servir au cours de cinq concerts. Pierre-Olivier Queyras, Saskia Lethiec, Gabriel Voisin (violon), Vinciane Béranger (alto), David Louwerse (violoncelle), Jérôme Granjon, Françoise de Maubus (harpe), Corentin Garac (flûte) et Yan Maratka (clarinette) seront réunis lors de la soirée d’ouverture pour interpréter deux purs chefs-d’œuvre, trop rares en concert en raison de leur effectif atypique : le Concert pour violon, piano et quatuor de Chausson et l’Introduction pour harpe, flûte, clarinette et quatuor de Ravel.
N'oubliez pas l'harmonium !
D’emblée on aura pu entendre une grande partie des instrumentistes impliqués dans la 2ème édition. Mais elle comptera beaucoup aussi sur la présence d’Emmanuel Pélaprat (3), grand spécialiste de l’orgue expressif ou harmonium, que l’on retrouvera (14 oct, 18h) dans un programme Franck, Chausson, Saint-Saëns, Prestat (une élève de Franck) et Ravel (un arrangement, signé E. Pélaprat, de Ma Mère l’Oye pour piano, harmonium et harpe), qui viendra rappeler la place qu’occupait l’instrument dans les salons au XIXe et au début du XXe siècle.
Conte fantastique
Si Erard ne toucha pas au domaine de l’harmonium, il pesa beaucoup aussi sur l’évolution de la facture de la harpe (avec le système « à double mouvement », mis au point en 1810 ; pas moins essentiel que celui du double échappement dans l’histoire du piano). Elle se devait d’être à l’honneur, et le sera avec un concert pour harpe (jouée par Françoise de Maubus), vents, cordes et voix qui, après des pièces de Cras, Ravel, Tournier, Fauré, Franck, se refermera sur le Conte fantastique de Caplet (d’après Edgar Poe), avec Didier Sandre en récitant (14 oct./20h30).
Messe au salon
Le menu du dimanche ne sera pas moins riche et original, débutant (à 11h) par une « Messe au salon » imaginée par Edwige Parat pour sa Maîtrise du CRR de Paris (établissement partenaire du Festival Erard) au cours de laquelle s’enchaîneront des pages de Fauré, Jehan Alain, Pérotin et Poulenc, accompagnées par des élèves instrumentistes du CRR.
17h marquera l’heure de la clôture de l’édition 2023 et, une fois de plus, on voyagera d’un siècle l’autre, avec Saint-Saëns, Chausson (la Chanson perpétuelle par la soprano Chantal Mathias), de rares mélodies de Charles Martin Loeffler (1861-1935, musicien américain, très marqué par l’école française, qui fut élève en violon du célèbre Joseph Massard au Conservatoire de Paris) et, enfin Ravel : la Sonate pour violon et piano et, autre transcription inédite du Français par Emmanuel Pélaprat, le fameux Lever du jour de Daphnis et Chloé (pour 3 violons, alto, violoncelle, 2 pianos, harpe, flûte et clarinette) interprété par l’équipe du concert inaugural ( + Saori Ishikawa, 2d piano ).
Lumineuse conclusion ... avant de songer à 2024 et à la 3e édition !
Alain Cochard
Les 13, 14 & 15 octobre 2023
Paris – Salle Erard
festival-erard.fr/
(1) La Salle Erard possédait également une entrée au n° 11 de la rue Paul Lelong (où la façade d'origine demeure)
(2) Pour en savoir plus sur la Société Nationale de Musique : www.concertclassic.com/article/150eme-anniversaire-de-la-naissance-de-la-societe-nationale-de-musique-1-ars-gallica
(3) Emmanuel Pélaprat a rappelons-le signé un séduisant album « Second Empire » au côté de Jérôme Granjon / 1 CD Hortus
Photo © DR
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