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La Femme sans ombre à l’Opéra de Lyon - On est toujours sans nouvelles du couple impérial - compte rendu
Selon une pratique désormais bien établie, la mise en scène de Mariusz Tńelinski choisit de substituer au mythe intemporel voulu par le librettiste une anecdote banale de notre quotidien. L’Impératrice souffre de dépression à cause de ses problèmes de couple, elle se mutile dans sa salle de bain, et la teinturière tente maladroitement d’en faire autant. Après deux actes où le décor tournant met judicieusement en parallèle la structure des deux foyers dysfonctionnels ainsi dépeints, et où les apparitions des esprits doivent être compris comme des symptômes de névrose, le troisième semble enfin contraint de dépasser le réalisme, le cadre architectural étant réduit à sa plus simple expression, pour permettre l’apparition de Keikobad, vieillard étendu sur une table comme à la morgue. Il est fâcheux qu’il ait fallu insérer, après le moment fameux où l’impératrice refuse de céder à la tentation, une pause avec bruitages au lieu d’enchaîner sur la musique de Richard Strauss. Et bien entendu, si l’accès de l’héroïne au sentiment d’humanité est préservé, notre époque refuse toute fin vraiment heureuse, en même temps que le message nataliste.
Outre le chœur en coulisses et diverses figures secondaires, l’œuvre repose sur cinq protagonistes au rôle plus ou moins écrasant. Hélas, deux d’entre eux ne trouvent pas à Lyon le titulaire idéal. Bien que connue pour sa participation à des représentations d’œuvres relevant de la même esthétique (récemment, Le Miracle d’Héliane de Korngold à Berlin), Sara Jakubiak ne trouve pas en l’Impératrice un personnage où elle puisse s’épanouir : sa première scène la révèle incapable de respecter la virtuosité de l’héroïne, et de restituer sa dimension surnaturelle, son chant étant dénué de cette douceur que savaient y mettre les plus grandes interprètes : même son « Ich… will… nicht » parlé passe inaperçu. Quant à Vincent Wolfsteiner, son Empereur est désespérément plébéien, son manque de prestance scénique ne pouvant être racheté par un timbre totalement dépourvu de séduction et de noblesse. Heureusement, le couple humain est superbe : Josef Wagner campe un Barak pétri de bonté, et Ambur Braid est une magnifique teinturière, superbe actrice et voix surmontant le déferlement de décibels dans la fosse. On reste enfin pantois devant la prestation de Lindsay Ammann, Nourrice aux graves stupéfiants d’ampleur, à la puissance vocale apparemment inépuisable, redoutable dans sa composition évoquant la gouvernante dans Rebecca.
> Voir l'interview de Sara Jakubiak
> Voir l'interview de Mariusz Treliński
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Photos : © Opéra de Lyon / Stofleth
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