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Edwin Fardini et Juliette Journaux interprètent Oskar Posa à la Bibliothèque La Grange-Fleuret – Une découverte majeure – Compte-rendu
Quel choc ! On se rendait à la Bibliothèque La Grange-Fleuret la curiosité aiguisée par l’enthousiasme de Juliette Journaux à propos de la musique d’Oskar Posa (1873-1951) dans une récente interview (1) ; on est ressorti du concert proprement bouleversé par les « lieder oubliés » que la pianiste et le baryton Edwin Fardini nous ont donné à entendre.
Oskar Posa, un musicien auquel Olivier Lalane (2) a eu la bonne idée de s’intéresser il y a environ trois ans en découvrant son nom entre ceux de Schoenberg et Zemlinsky sur l’affiche d’un concert de 1905. Intrigué par la rareté des informations sur cette figure totalement oubliée du paysage musical viennois, il a entrepris un travail d’exploration qui a abouti au concert de la BLFG et – plus important encore pour la diffusion de la musique de Posa – se prolongera au printemps prochain par la sortie d’un double album (pour le label Voilà Records) rassemblant une sélection de lieder par Edwin Fardini et Juliette Journaux, la Sonate pour violon et piano op. 7 par cette même pianiste et Eva Zavaro à l’archet, et enfin l’unique et très tardif Quatuor (1950) par le Quatuor Métamorphoses.
Le lied fut le domaine de prédilection de Posa ; les pages que l’on découvre à la BLGF n’ont rien de curiosités glanées dans les marges de la « grande » histoire de la Musique : elles font pleinement partie de celle-ci !
Comprise entre les débuts du compositeur et 1912 – de l’Opus 1 à l’Opus 12 – l’anthologie de lieder proposée par Edwin Fardini et Juliette Journaux montre un compositeur au langage inscrit dans la continuité du XIXe siècle et résolument attaché au système tonal. Que d’originalité toutefois dans le rapport, totalement fusionnel, que Posa établit entre la voix et le piano, qui est pour lui bien plus qu’un simple accompagnateur. D’une grande richesse harmonique quoique jamais opaques, ni lourdes, les parties de clavier – mobiles et ondoyantes en leur savants entrelacs – se prolongent dans le chant et traduisent un formidable sens des caractères – le piano se voit parfois aussi confier quelques mesures de conclusion, en solo, qui accentuent la prégnance du morceau (ex. Heimweh op. 1/1, In einer großen Stadt op. 3/4 ). Enfin, Posa ne cède jamais au pittoresque et va droit à l’essence des poèmes avec une puissance quasi opératique souvent.
Edwin Fardini, voix somptueuse, longue, épanouie et allemand irréprochable, s’engage corps et âme et peut compter sur le jeu attentif, suggestif et foisonnant de couleurs de Juliette Journaux (jamais encore on n’avait entendu le Pleyel historique de la BLGF « sonner » avec une aussi charnelle plénitude !). De la nostalgie d’une jeunesse enfuie (Der Blatt im Buch op. 2/2) à la rage et la violence de Die gelbe Blume Eifersucht op. 6/5 (cette mordante noirceur sur le « Was war das ? » initial !) ; de l’harmonieuse langueur de Tiefe Sehnsucht op. 3/2 aux flots grondants de Beschwichtigung op. 4/4 ; de la paix nocturne de Mondlicht op. 12/1 aux terrifiants Tod in Ähren ou In Memoriam, ou – toujours issu des 5 Soldatenlieder op. 8 – à l’orchestral et puissant Mit Trommeln und Pfeifen, Posa subjugue, littéralement, par la puissance de sa singulière inspiration. Découverte majeure, on l’aura compris. Vivement la sortie du disque !
Alain Cochard
Paris, Bibliothèque La Grange-Fleuret, 22 novembre 2023
(1) www.concertclassic.com/article/une-interview-de-juliette-journaux-pianiste-mon-port-dattache-toujours-ete-vienne
(2) le-philtre.com/olivier-lalane/
Photo © Olivier Lalane
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