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Aline Piboule et Pascal Quignard à la Cité de la musique – Le dernier amour de Fauré – Compte-rendu
La complicité d’Aline Piboule et de Pascal Quignard n’est plus à dire. Cette fois, c’est autour de Fauré que la pianiste et l’écrivain-récitant se réunissent pour un concert-lecture intitulé « Fauré ou le dernier amour », présenté en ouverture du week-end « Fauré intime » du Palazzetto Bru Zane. Plutôt que de se perdre dans une évocation trop générale d’un créateur dont 2024 commémore le centenaire de la disparition, ils ont préféré se concentrer sur la relation de Fauré avec la pianiste Marguerite Hasselmans, âgée de 24 ans lorsque la rencontre se produisit en 1900 – le compositeur avait 55 ans. 1900-1924 : leur liaison correspond donc à la période qui vit l’artiste peu à peu gagné par la surdité.
© Palazzetto Bru Zane - fonds Leduc
Une composante essentielle du texte que Pascal Quignard a conçu avec beaucoup de justesse. L’évocation pleine de tact de la relation amoureuse et du handicap grandissant (à partir de 1903) se mêle à des éléments anecdotiques et charmants (les fameuses cigarettes Maryland, l'évolution de la moustache de Fauré), à des considérations plus générales aussi : sur le contexte musical de l’époque, sur certains contemporains, sur la nature de l’inspiration fauréenne (référence très appropriée à Honegger et au rapprochement qu’il faisait entre Mozart et Fauré). Quignard ne cherche jamais à « expliquer » Fauré mais sa démarche, par angles variés, continûment appuyée sur les interventions musicales de sa complice pianiste, offre des clés infiniment plus pertinentes pour accéder à son univers que de longues digressions musicologiques.
© Coll. part.
Quant à Aline Piboule, le voyage dans le Fauré tardif qu’elle propose (dans l’ordre : Improvisation op. 84/5, Barcarolle n° 13, Thème et variations en ut dièse mineur (nos 6 et 9), Nocturnes nos 11 et 12, Barcarolles nos 9 et 10, Thème et variations en ut dièse mineur (no 8), Barcarolle n° 12, Nocturne n° 13) correspond parfaitement au propos de Pascal Quignard, et s’avère d’autant plus convaincant que l’interprète exploite avec art toute les ressources expressives d’un Gaveau 1929 (du Musée de la musique) fraîchement restauré. L’instrument peut certes surprendre des oreilles accoutumées à l’homogénéité des instruments modernes, mais aide grandement qui sait le toucher à traduire la saveur singulière de l’harmonie fauréenne. Il n’est, cela dit, que le vecteur d’une interprétation extrêmement racée, à mille lieues de la manière « sous abat-jour » dont Fauré souffre parfois. Aline Piboule saisit – au sens plein du mot – les caractères et souligne l’intense pureté d’une musique exempte d’images et de littérature devant un amphithéâtre bondé et conquis. Une magnifique pianiste que l’on aimerait entendre plus souvent.
Alain Cochard
Paris, Cité de la musique (Amphithéâtre) – 27 janvier 2024
Photo © cc.com
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