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Pierre et Théo Fouchenneret jouent Bartók aux Bouffes du Nord / La Belle Saison –Engagement total – Compte-rendu
Les deux rhapsodies et les deux sonates pour violon et piano de Béla Bartók en l’espace d’un unique concert : le projet – le défi – trottait dans l’esprit de Pierre Fouchenneret depuis bien des années ... C’est finalement en famille qu’il l’a mené à bien, en proposant à son frère Théo de le partager dans le cadre d’une soirée de La Belle Saison – joli cadeau que l’aîné a fait là à son cadet puisque la date correspondait très exactement au 30e anniversaire de ce dernier.
De 1928, les rhapsodies précèdent chacune dans le programme l’une des deux sonates, composées quasiment dans un même élan entre 1921 et 1922 – parallèlement donc à l’élaboration du Mandarin merveilleux – autant dire à l’orée d’une décennie qui vit la réputation internationale du Hongrois grandir considérablement. La réunion de ces ouvrages pourrait paraître excessivement aride confiée à des interprètes moins totalement investis mais, dès la Rhapsodie n°1, le duo nous embarque dans un formidable voyage musical au cours duquel, de bout en bout, s’illustrera un art des transitions aussi poussé que l’aptitude à saisir les caractères dans leur prodigieuse variété. La sonorité de Pierre Fouchennet possède la densité requise pour toucher au plus près du génie bartókien. Quant au pianiste, ses affinité avec cet auteur ne son plus à dire – affinités que lui avaient porté chance au Concours de Genève en 2018 ...
La Sonate n° 1 souligne une exceptionnelle entente entre les deux partenaires ; il n’est plus question ici de complicité mais d’une absolue unité de pensée et de perception qui éclaire la complexité de la partition et – surtout – loin de verser dans une quelconque explication de texte, transforme chaque note en une véritable chair vivante. Complexité ? Prodigieuse liberté d’un créateur surtout – en une époque qui est aussi celle de Schoenberg et de Szymanowski – ; d’un musicien tout à fois ouvert sur la modernité et profondément attaché aux sources populaires de son art. Ce que la Rhapsodie n° 2 vient rappeler avant la Seconde Sonate que les frères Fouchenneret explorent avec une profusion de couleurs, un tonus rythmique, et une mobilité d’esprit qui font de leur interprétation une expérience unique. Eprouver, au sens plein du mot, l’aérienne et ascendante conclusion de l’Allegretto au terme d’une soirée sur les cimes fait partie de ces souvenirs qu’un auditeur conserve à jamais en mémoire ... Puisse un enregistrement venir couronner l’exceptionnel engagement musical et humain de deux interprètes de premier ordre.
Retour sur terre en bis avec les fameuses Danses roumaines, généreuses à souhait.
Alain Cochard
Paris, Théâtre des Bouffes du Nord, 26 février 2024
© La Belle Saison
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