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Tenorio de Tomás Marco en création scénique au Teatro Real de Madrid – Mythe revisité – Compte-rendu

 

Selon ses bonnes habitudes, le Teatro Real, fait une place dans sa programmation à l’opéra contemporain espagnol. Il présente cette fois-ci la création scénique de Tenorio, ouvrage du compositeur Tomás Marco (né en 1942). La partition avait été créée en version de concert en 2017 à l’auditorium de San Lorenzo de El Escorial. Le livret, du compositeur, reprend le thème de Don Juan, mais celui de Don Juan Tenorio de José Zorrilla, pièce de théâtre écrite en 1844. Ce drame « religieux-fantastique » est lui-même décalé de El burlador de Sevilla y convidado de piedra (1630), l’œuvre fondatrice de Tirso de Molina. Marco interfère aussi dans son livret des emprunts à Molière, Da Ponte, Goldoni, Byron et Francisco de Quevedo toujours inspirés du mythe de Don Juan.
 
Adriana González (Doña Inés), Joan Martín-Royo (Tenorio), (en arrière-plan) Raquel Villarejo (Madrigal), Sandra Ferrández (Lucía), Alejandro von Büren (Madrigal), Lucía Caihuela (Doña Ana) © Javier del Real 

Cette série de citations incombe à des interventions de personnages associés au mythe et aux péripéties de son histoire, sur une musique diaphane, s’agissant d’un opéra de chambre, pourvu d’un orchestre laissant place au lyrisme, avec un petit chœur psalmodiant, une manière de récitatifs pour le rôle central de Tenorio et des vocalises emportées en contrepartie pour Doña Inés, l’autre rôle important. Le tout d’une facture néo-tonale, pour une œuvre très originale dans son traitement. Tomás Marco, disciple de Ligeti et Stockhausen à la tête d’une production importante pour le théâtre musical et l’opéra, et dont nous avions apprécié sa zarzuela Policías y ladrones (1), confirme son remarquable talent de compositeur lyrique.

 

Adriana González (Doña Inés) et Inés Lorans (Madrigal) © Javier del Real

Au Teatro Real, l’heure et demie de la pièce file d’un trait. D’autant que l’interprétation bénéficie d’une belle conviction d’ensemble. Le baryton Joan Martín-Royo (photo) assure l’omniprésent Tenorio d’une ferme projection. La soprano Adriana González (2) envole son chant en larges vocalises avec de jolis aigus filés pour Doña Inés. Le franc ténor Juan Francisco Gatell, Don Luis, la sensuelle mezzo Lucía Caihuela, Doña Ana, complètent la distribution. Le chœur, en petite formation de madrigal constitué de douze jeunes chanteurs de l’atelier lyrique du Teatro Real, ponctue en un appoint adapté. Quant à l’orchestre, celui du théâtre réduit à une trentaine d’instrumentistes, il s’exprime avec l’acuité de circonstance sous la direction animée et attentive de Santiago Serrate.
 
Pour sa part, la judicieuse mise en scène d’Àlex Serrano et Pau Palacios se présente comme une séance de tournage cinématographique, en exacte conformité avec l’indication du livret, avec projections d’images filmées en direct et un jeu soutenu des participants. Et le tout emporte l’adhésion d’un public des plus attentifs pour cette réalisation hors pair.
 
Pierre-René Serna
 

(1) www.concertclassic.com/article/policias-y-ladrones-en-creation-mondiale-au-teatro-de-la-zarzuela-de-madrid-zarzuela
 
(2) Lire l'interview d'Adriana González réalisée par Laurent Bury en octobre 2022 : www.concertclassic.com/article/une-interview-dadriana-gonzalez-soprano-je-ne-veux-pas-bruler-les-etapes

Tomás Marco : Tenorio (création scénique) - Madrid, Teatro Real, 17 mai 2024.

Photo © Javier del Real 

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