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Inauguration du Festival Un Temps pour Elles 2024 à l’Abbaye de Maubuisson – Ouverture de féerie – Compte-rendu
Inauguration du Festival Un Temps pour Elles 2024 à l’Abbaye de Maubuisson – Ouverture de féerie – Compte-rendu
C’est parti pour le festival Un Temps pour Elles et, à en juger par le nombre de mélomanes rassemblés dans la Grange dîmière de l’Abbaye de Maubuisson le 24 mai, la manifestation valdoisienne, créée par Héloïse Luzzati et l’association Elles Women Composers, a trouvé son public. Les auditeurs présents lors de la soirée inaugurale de la 4e édition auront en tout cas été bien récompensés de leur curiosité envers les raretés programmées. Si le nom de Rita Strohl (1865-1941) commence à être connu, grâce en particulier à la Sonate pour violoncelle et piano « Titus et Bérénice »), celui de Jane Vieu (1871-1955) ne l’est guère. Pour le moment ...
Jane Vieu (1871-1955) © bruzanemediabase
Avec La Belle au Bois dormant (1902) et Aladin (1904), deux « féeries chantées », se révèlent des partitions qui ont fait rêver le public du Théâtre des Mathurins au tout début du dernier siècle. Pour conteuse-chanteuse et septuor avec piano (dans l’arrangement ici proposé, signé Godeleine Catalan), ces deux ouvrages, sur des livrets de Lucien Métivet (1863-1932), furent créés accompagnés de projections lumineuses d’images sur plaques de verre – un dessin animé d’avant le dessin animé en quelque sorte. On a affaire à une forme assez inclassable entre conte musical, chanson, mélodie, opérette et comédie musicale, que les archets de Shuichi Okaka, Alexandre Pascal, Léa Hennino, Claude Legras, Héloïse Luzzati, Ulysse Vigreux et le piano de Célia Oneto Bensaid, toujours aussi plein d’imagination sonore, ont ramené à la vie, avec le concours de la comédienne, chanteuse et pensionnaire du Français Marie Oppert et du dessinateur Pierre Créac’h (assisté de Bérénice Panaye), qui réalisait des illustrations en direct avec une virtuosité de trait et une intelligence poétique pleinement accordées à l’esprit des partitions et des textes.
© Un Temps pour Elles
Justesse de ton qui appartient tout autant à Marie Oppert, parfaitement à son aise, piquante, fraîche, touchante, drôle, aussi fluide que naturelle dans l’alternance du parlé et du chanté. Avec La Belle au Bois dormant, le conte revu par Métivet est prétexte à moquer la modernité et ses inventions. Le Prince charmant arrive ... à bicyclette ! et, au terme de l’ouvrage, la Belle, effrayée par l’automobile, la fumée des usines, la soif d’argent, l’exploitation de la nature et les machines de guerre proclame : « Votre siècle moderne est trop nouveau pour moi », et décide de se rendormir, pressentant le désenchantement du monde. Jane Vieu, élève de Jules Massenet et d’André Gédalge, montre un sens affirmé de l’image dans ce que l’on appellerait de nos jours un exercice de « musique à l’écran. ». Les interprètes (parmi lesquels on range évidemment Pierre Créac’h) font corps avec les atmosphères changeantes de la vingtaine de tableaux qui se succèdent.
On n’est pas moins séduit par Aladin, que Métivet installe en Chine, « pays mystérieux pour le rêve inventé ». Tous les ingrédients sont réunis : jade, ponts de bambou, jasmins parfumés, porcelaines précieuses, feux d’artifice et ... nuit propice à l’amour d’Aladin et de la fille de l’Empereur – qui naît valsant sur « C’est la douce nuit d’été, la nuit sereine ... ». Plus proche du conte originel que la Belle au Bois dormant, Aladin loue in fine le poète « roi dans le pays du songe ». « Le conte est d’aujourd’hui, d’hier et de demain (...) le poète a toujours la lampe d’Aladin ». Un pur délice et une très belle découverte qui donnent envie d’entendre d’autres pages de Jane Vieu (artiste d’origine biterroise, qui se cacha parfois sous le pseudonyme de Pierre Valette)
On n’est pas moins séduit par Aladin, que Métivet installe en Chine, « pays mystérieux pour le rêve inventé ». Tous les ingrédients sont réunis : jade, ponts de bambou, jasmins parfumés, porcelaines précieuses, feux d’artifice et ... nuit propice à l’amour d’Aladin et de la fille de l’Empereur – qui naît valsant sur « C’est la douce nuit d’été, la nuit sereine ... ». Plus proche du conte originel que la Belle au Bois dormant, Aladin loue in fine le poète « roi dans le pays du songe ». « Le conte est d’aujourd’hui, d’hier et de demain (...) le poète a toujours la lampe d’Aladin ». Un pur délice et une très belle découverte qui donnent envie d’entendre d’autres pages de Jane Vieu (artiste d’origine biterroise, qui se cacha parfois sous le pseudonyme de Pierre Valette)
Elle est la « belle réveillée » de la soirée comme la désigne Héloïse Luzzati. Deux belles réveillées en fait car la découverte de Rita Strohl est encore récente. Par-delà la Sonate « Titus et Bérénice », tout un univers, aussi original que singulier (et même prophétique si l’on considère les incroyables Musiques sur l’eau pour piano, de 1903, créées à Paris en 1904) se révèle peu à peu. Après les magiques mélodies pour voix et piano (enregistrées par Stéphane Degout, Adèle Charvet et Elsa Dreisig) publiées l'an dernier, le label La Boîte à Pépites nous offrira à la rentrée (1) la quasi intégrale de la musique de chambre de la compositrice lorientaise (notez que ce nouveau volume de 3 disques, où figurent aussi les Musiques sur l’eau, est d’ores et déjà disponible avant et après les divers concerts d’Un Temps pour Elles).
Des partitions chambristes qui correspondent à la première période créatrice de l’artiste. Ainsi livra-t-elle en 1890 un Septuor en ut mineur pour deux violons, deux altos, violoncelle, contrebasse et piano : on le savoure à Maubuisson, placé entre les deux pièces de Jane Vieu.
Rita Strohl (1865-1941) © DR
Inspiré par la figure de Jeanne d’Arc, l’ouvrage, d’une vingtaine de minutes, offre un parfait intermède instrumental et séduit tant par son relief que la subtilité de ses textures. Il est l’œuvre d’une compositrice de 25 ans, certes encore très tournée vers ses devanciers, mais jamais banale, ni convenue. Et la Romance (Très lent et mystérieux) témoigne d’une rare poésie et d’un art consommé dans le traitement tant des archets que du piano. Dans une parfaite entente, les interprètes rendent justice à la partition avec le même soin et le même engagement qu’ils apporteraient à un célèbre opus du répertoire.
Après le premier week-end à l’Abbaye de Maubuisson, Un Temps pour Elles poursuit son périple valdoisien au Château de la Roche Guyon (1er et 2 juin – les Musiques sur l’eau de Strohl seront au programme du récital de Célia Oneto Bensaïd le 2), à Luzarches (8 juin), Taverny (9 juin), Royaumont (15 & 16 juin), avant le riche week-end conclusif au Domaine de Villarceaux (22 & 23 juin). De bien beaux réveils en perspective ...
Alain Cochard
> Voir les prochains concerts de musique de chambre à Paris et RP
(1) Rentrée qui verra aussi la sortie à la rentrée, toujours à La Boîte à Pépites, de la Symphonie de la Forêt de Strohl par l'Orchestre national d'Île-de-France et Case Scaglione. Ces mêmes interprètes donneront l'ouvrage, accompagné d'une autre pièce de Strohl (Les Cygnes), le 15 octobre à la Philharmonie de Paris : philharmoniedeparis.fr/fr/activite/concert-symphonique/27081-les-murmures-de-la-foret?itemId=135127
4e Festival Un Temps pour Elles – Abbaye de Maubuisson (Grange dîmière), 24 mai 2024 //
Suite de la programmation (jusqu’au 23 juin) // elleswomencomposers.com/festival-un-temps-pour-elles/
Photo © Un Temps Pour Elles
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