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​Tamerlano au Festival de Beaune 2024 – Ardeur vivaldienne – Compte-rendu

 
Le Festival international d’opéra baroque et romantique de Beaune connaît décidément des soubresauts. Après la disparition subite de son directeur administratif Kader Hassissi il y a deux ans, Anne Blanchard, qui avait fondé cette manifestation il y a quarante-deux ans, voit son contrat non renouvelé et quitte la direction artistique au terme d’une édition 2024 dont elle a assuré la conception. Nommé au printemps dernier, Maximilien Hondermarck prend sa succession.
 
Ce 42e festival n’en reste pas moins ambitieux, faisant une large place aux interprètes qui ont illustré la longue histoire de ses précédentes programmations, marquées par une forte présence d’œuvres rares. Le deuxième week-end auquel nous avons assisté ne dérogeait pas à cette habitude. L’entrée en matière revenait au Czech Ensemble Baroque, dirigé par son chef Roman Válek, associé au contreténor Andreas Scholl pour des motets de František Tůma (1704-1774) – auteur d’origine bohémienne ayant fait carrière à Vienne – remarquablement restituées.
 

Delphine Galou (Asteria) & Filippo Mineccia (Tamerlano) © ars-essentia
 
Succédait le moment phare le lendemain avec le Tamerlano de Vivaldi sous la conduite d’un grand fidèle de Beaune : Ottavio Dantone (photo) – c’était sa 23venue au festival ! L’ouvrage, créé en 1735 à Vérone, s’inscrit dans la catégorie des pasticcios vivaldiens et conte les conflits d’amour et de pouvoir entre le sultan ottoman Bajazet et le conquérant tatare Tamerlan. C’est le prétexte à une grande place faite à des airs da capo de haute voltige, souvent empruntés à d’autres ouvrages du Prêtre roux (L’Olimpiade, Farnace, Semiramide, Motezuma, Giustino) ainsi qu’à d’autres compositeurs (Giacomelli, Hasse, Broschi). Les importants et très significatifs récitatifs, y compris avec accompagnement d’orchestre, ainsi que la belle ouverture, sont toutefois de la plume de Vivaldi.
 

Bruno Taddia (Bajazet) © Lucie Bolzan
 
À Beaune, la « tragedia per musica » du compositeur vénitien bénéficie d’une interprétation ardente, confortée par la tournée qui a précédé, et le plateau vocal, des mieux adaptés, s’épanche pour une version de concert d’une réelle portée dramatique. Dans le rôle-titre, le contreténor Filippo Mineccia, figure ses vocalises avec pétulance. Le baryton Bruno Taddia expose pour sa part un Bajazet de large expression. La contralto Delphine Galou (Madame Dantone à la ville) s’empare avec le verbe qu’on lui connaît d’Asteria, tandis que la soprano Shakèd Bar orne joliment le chant d’Irene, tout comme la mezzo Marina de Liso pour celui d’Andronico. Les instrumentistes de l’Accademia Bizantina ajoutent à la ferveur expressive avec une riche palette sonore, sous la direction passionnée de Dantone. Moment d’exception dans la cour des historiques Hospices de Beaune.
 
Pour conclure le week-end en apothéose, Paul McCreesh distille dans la basilique Notre-Dame le cérémonial reconstitué du couronnement d’un doge de Venise en 1595, avec des pages sacrées des deux Gabrieli, Giovanni et son oncle Andrea, à la tête d’un Gabrieli Consort and Players intensément spatialisé.
 
Pierre-René Serna

Festival de Beaune, 12, 13 et 14 juillet 2024 ; jusqu’au 28 juillet 2024 // www.festivalbeaune.com

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Photo © Giulia Papetti

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