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Les Etés de la Danse rendent hommage à Noureev - Scintillant - Compte-rendu
Vienne fut un des hauts lieux de la danse européenne, lorsqu’après la formation du Ballet de l’Opéra proprement dit, les plus grands maîtres s’y succédèrent, les Angiolini, Noverre ou Vestris, puis Taglioni, Bournonville, Coralli, et après la première guerre mondiale, Bronislava Nijinska. Au XXe siècle, le ballet s’est souvent cherché, secoué par les changements de style, puis les vicissitudes de la guerre. Aujourd’hui, il semble qu’il se soit trouvé, sous la houlette du talentueux et pugnace Manuel Legris, dont on admira tant la perfection à l’Opéra de Paris, lorsqu’il en était l’une des étoiles de référence, et que Dominique Meyer, sitôt nommé à la tête de l’Opéra de Vienne, a eu l’heureuse idée de faire venir à ses côtés, dès 2010. La situation était fragile, et Legris a su ranimer la flamme, avant de parvenir à donner une véritable identité à la compagnie, ce qui ne se fait pas en deux ans.
Un mot vient en premier pour définir l’impression laissée par la troupe lors du programme d’ouverture, dédié à la mémoire de Noureev, astre de la danse et particulièrement de la danse viennoise – en 1964 sa version du Lac des Cygnes, avec Margot Fonteyn ne lui valut-elle pas 89 rappels, un record entré au Guiness !-, et ce mot est éclat, ce qui indique d’emblée un vif plaisir pour le spectateur. Ensuite, il convient de nuancer l’opinion qu’on peut se faire de ces danseurs russes pour la plupart en remarquant combien leur rencontre ménage de surprises contrastées. Il semble que chacun soit capable de formidables performances, que de puissantes personnalités s’affirment, mais que l’ensemble reste disparate, ce qui, on le répète n’exclut pas le plaisir qu’on a pris à les voir faire des étincelles.
Legris avait subtilement composé son programme, dont l’avancée créait une montée émotionnelle très bien calculée. Au début, on a eu un peu peur, pour l’extrait de Laurencia, vieux ballet du géorgien Tchaboukiani, succès de Noureev à ses débuts, mais dont l’aspect vieillot ne se supporterait que dansé avec la plus fine harmonie : stress sans doute, les danseurs y sont apparus chaotiques, allant chacun dans sa propre direction. Puis heureusement Nils Christe et son Before Nightfall les a montrés vigoureux, dynamiques et dotés de très beaux physiques. Un délicieux pas de deux de la Chauve-souris de Roland Petit avec une ballerine exceptionnelle, Olga Esina et un Batman somptueux, Vladimir Shishov, a déclenché l’enthousiasme, tandis que Forsythe éblouissait de son humour à froid dans The Vertiginous Thrill of exactitude. Le charme opérait ! On saluera pieusement quelques pièces exhumées des créations chorégraphiques de Noureev, dont ce ne fut pas la partie forte, avec un pas-de-cinq de son Lac des Cygnes viennois, on oubliera Rubis, de Balanchine, franchement vulgaire, pour retenir le piquant Black Cake, de Van Manen. Pièces d’anthologie qui ont montré les aptitudes de la compagnie à changer d’univers, sa qualité autant que son défaut.
Une page se tournait ensuite, et grâces en soient rendues à Legris qui fut un interprète inspiré de Neumeier, avec Bach Suite III, où soudain la danse se faisait vecteur de spiritualité, fusion profonde avec l’esprit de la musique de Bach, et montrait une nouvelle fois combien le maître de Hambourg sait intérioriser les émotions chorégraphiques. Le public, le souffle coupé, a longuement acclamé la belle Olga Esina, perle de la compagnie, aussi lyrique que pudique et dépouillée dans cette évocation de l’Annonciation, et son puissant partenaire Kiriil Kourlaev. Mais même s’il s’agit souvent de chevaux fous, on gardera en mémoire des identités aussi ravageuses que celles de Denys Cherevychko, prodige bondissant, de Masayu Kimoto, mouvante planche d’anatomie à la seconde exemplaire, du très beau Robert Gabdullin, tout juste promu étoile, et de la fine et racée Maia Yakovleva. Sans parler du spectaculaire Vladimir Shishov, dont la présence solaire et athlétique faisait pardonner un manque de rigueur au niveau des bras. Avec cette pléiade de beaux danseurs, le Ballet de Vienne scintille.
Jacqueline Thuilleux
Les Etés de la Danse - Paris, Théâtre du Châtelet, le 5 juillet, prochaines représentations les 8, 9, 10, 11, 12, 13 (15h et 20h), 15, 16, 17, 18, 19, 20 (15h et 20h), 22, 23, 24, 25, 26, 27 (15h et 20h) juillet 2013
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Photo : Michael Pöhn
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